Quatre ans déjà depuis "La P’tite monnaie", premier opus confidentiel et déjà prometteur. Mais la petite famille ne s'est pas faite oublier. Bénabar tout court cette fois. Pour ce deuxième disque très attendu des fans de la première heure, le petit trentenaire perd ses "associés" mais garde ses potes : Denis Grare (accordéon, saxophone), Vincent Schaeffer (trompette, trombone) ... et s'attache de nouvelles complicités : Florent Silve (basse), Alain Bulon buisson (Guitare), Polo Jothy (Batterie & percussions).
Auteur, compositeur, interprète. Le triptyque fait toujours un peu sérieux, mais Bruno "Bénabar" tempère. "Je ne me considère pas comme un musicien, en tous cas pas comme un instrumentiste. Je joue du piano, c'est un bon appui pour la scène, et puis, entre nous, pour chanter c'est plus pratique que la trompette, mais j'ai commencé tard et je ne suis pas très bon. En fait c'est la trompette que j'ai aimée en premier et que j'ai pratiquée dès l'âge de huit ans. Mais pas tant par intérêt pour la musique que parce que c'était l'instrument privilégié des clowns..".
Il n'est pourtant pas si clown que ça notre homme. Energique, enthousiaste, pas vraiment vautré dans l'oisiveté et volontiers très "colère", lecteur de Balzac à qui il chipa en franche camaraderie de plume un peu de "p'tite monnaie", fan de Lautréamont et des artistes plus ou moins maudits... Higelin et Renaud l'aident bien à traverser une adolescence peuplée gentiment de copains, de filles et de mobylettes. Certaines chansons d'Aznavour le scotchent bien un peu aussi et la découverte de Brassens, avec son imparable horlogerie viendra un peu plus tard. Pas vraiment Stones, à peine Beatles, le Bénabar. Brel, Bashung, Tom Waits, Nino Rota, voilà les noms qu'il vous sortira le plus volontiers de son chapeau d'artiste.
Ne pas être vraiment musicien comme il dit, c'est éventuellement un atout : "J'aime une certaine forme de simplicité. Ce que je fais est assez brut, basique, en forme de petites comptines basées sur la mélodie. Là où un spécialiste utilisera cinq accords pour faire joli, deux me suffiront sans doute. Après en revanche, il faut que cela soit bien habillé. D'où l'intérêt de faire appel à un bon arrangeur...". Pour ce deuxième album qui marque une nette évolution, c'est Fabrice Ravel-Chapuis (Artango) qui a su peaufiner cet univers composé de petits moments qu'on peut souvent qualifier de cinématographiques. Forme naturelle pour Bénabar qui est venu tard à la musique et a d'abord vécu une vie de jeune cinéaste. Son truc c'était plutôt d'écrire des scénarios... Il réalisera lui-même trois courts-métrages dont l'un, "José Jeannette" a obtenu plusieurs prix... "Le cinéma c'est trop long. C'est cher et avant de commencer quoi que ce soit, ll faut l'avis d'au moins dix personnes. La musique c'est plus direct, plus immédiat. Tu fais ton truc. Les gens prennent ou ne prennent pas mais il est possible de s'exprimer avec finalement pas grand chose".
Liberté, un mot important dans le petit monde de Bénabar qui aime avant tout raconter des histoires. Courts-métrages disions-nous. Dans ce nouvel album, réalisé par Alain Cluzeau (les pires, Paris Combo, la trabant ...), ils sont douze, avec des colères à peine rentrées, une culotte de majorette, une tour Eiffel qui ne décollera jamais pour des clodos devenus incouchables (Saturne), une fille-porcelaine dans un magasin d'éléphants (Porcelaine), des huîtres que les féministes ne veulent pas ouvrir (Bon anniversaire), un petit vélo qui a vraiment mal tourné (Vélo) ou un homme honnête comme le dernier des nouveaux monstres (Approchez). La galerie, irrésistiblement, évoque cette belle comédie à l'italienne qui enchantait la cinéphilie mondiale dans les années 60 et 70 en portant sur le monde un très aigu regard tragi-comique.
Avec cette légèreté qui combine l'humour dans la dérision et l'observation sociale, Bénabar joue dans l'écriture comme dans l'interprétation la carte d'une franche lisibilité. "Je n'ai pas peur de la page blanche. J'écris tous les jours, depuis longtemps. Je n'ai pas peur d'être à court d'idées, j'ai juste peur d'avoir de...mauvaises idées. Je n'écoute pas beaucoup de monde, rarement au-delà de trois à quatre personnes. Mais celles-là, je les écoute vraiment."
Disque personnel, chanson populaire exigeante, pour rejoindre d'une certaine façon ce que Bénabar lui-même nomme la variété sans complexe, comme déculpabilisée.
A consommer sur la platine et en tournée. Pour réapprendre en ce début de siècle, à chanter le monde. Fut-il futile ou simplement désenchanté.
Jean-François Bourgeot
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