Le
théâtre de L’Unité et la Scène Nationale de Montbéliard
Le théâtre de
l’unité à travers le temps
Lors de leur nomination à la tête de la Scène Nationale de Montbéliard, Jacques Livchine, Hervée de Lafond et Claude Acquart ont souhaité garder leur compagnie et conserver son autonomie.
Le cas de figure Scène Nationale dirigée par des metteurs en scène dont la compagnie est encore active est peu commun en France (cergy-Pontoise, Le Havre…)ils dirigent donc ces deux associations dont la mission est bien distincte :la compagnie est la cellule de création, La Scène Nationale se doit d’être pluridisciplinaire ?
Le théâtre de l’Unité est une association loi 1901, en convention avec le Ministère de la Culture et subventionnée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Franche-Comté.
En 1991, son siège social a été transféré de Paris à Montbéliard.
Elle a conservé son ancien bureau : France Acquart, Francis Esther, Gérard Deniaux, puis a élu d’autres membres franc-comtois : Patrick Plaisance, Bernard Goetz et Fabienne Michaud
Le théâtre de l’unité se compose de cinq personnes :
Lacques Livchine et Hervée de Lafond, directeurs, metteurs en scène, comédiens
(rémunérés 1/3 théâtre de l’unité et 2/3 Centre d’art et de
Plaisanterie.)
Sylvie Lalaude, très attachée à la direction ; Claudine Schwarzentruber, à
la comptabilité ; Marcel Djondo, comédien formateur.
Outre une direction commune à ces deux associations, le théâtre de l’unité est lié au Centre d’art et de Plaisanterie par une convention dont les plus grandes lignes mentionnent : Le centre d’art et de Plaisanterie héberge le service administratif du théâtre de l’unité à l’hôtel de Sponeck (deux bureaux), partage son fax, ses photocopieuses, son téléphone…
En ce qui concerne la création des spectacles du Théâtre de l’Unité (une création tous les deux ans), la compagnie utilise le théâtre et se doit de toujours donner les premières représentations à Montbéliard.
Le théâtre de l’unité produit ses créations, La scène Nationale achète les représentations à prix coûtant (salaires comédiens extérieurs et régie). L’équipe technique du théâtre participe activement aux créations. Quant à l’équipe administrative de la scène Nationale, elle est investie de la même mission que pour l’accueil de n’importe quelle autre compagnie.
Jacques Livchine et Hervée de Lafond ont l’autorisation de s’absenter pendant une période équivalent à trois mois par saison, pour tourner leurs spectacles.
Les décors et costumes sont entreposés dans des locaux prêtés par la Mairie de Montbéliard au théâtre de l’unité. Le théâtre de l’Unité loue à la ville de Montbéliard la maison du bord de l’eau où sont hébergés tous les artistes de passage au Centre d’art et de Plaisanterie et au théâtre de l’Unité.
Jacques Livchnine, né en 1943 Etudes de cinéma puis d ‘art dramatique.
Metteur en Scène, acteur, auteur.
Hervée de Lafond, née en 1944. Etudes de cinéma puis d’art dramatique.
Metteur en scène, actrice, auteur.
C’est en 1972, que de la rencontre vraisemblablement inopinée mais néanmoins vraisemblable entre Jacques Livchine et Hervée de Lafond deux acteurs de ce que l’on nommait alors le jeune théâtre et et le scénographe décorateur Claude Acquart, allait naître le théâtre de l’Unité.
Comme le nom l’indique, le théâtre de l’Unité, c’est d’abord une équipe, plus soudée dans le risque que dans le savoir-faire, plus soucieuse d’inventer que de faire carrière, plus prompte aux élans kamikazes qu’à l’autosatisfaction.
Comme le nom ne l’indique pas, le théâtre de l’Unité pratique un théâtre de la plus extrême diversité. Car si on veut les résumer dans une formule, on ne peut guère parler que d’un théâtre qui ne tient pas en place, ni dans un genre - de la mini-opérette au méga -spectacle pour enfants, du spectacle pour deux spectateurs au banquet pour plusieurs centaines de convives, de Molière à Nino Ferrer, ils ont traversé toutes les tempêtes et appris à faire le grand écart.
Ils ne tiennent pas non plus en face dans un pays puisqu’ils tournent dans le monde entier : Corée, Chine, Canada, USA, Danemark, Portugal, Italie, Pologne, Allemagne, Islande, Russie, Estonie, Israël, et Australie.
Après avoir débuté avec l’Avare and Co (1972), approché des pièces comme Le Révizor, de Gogol (1973), ils connaissent un beau succès avec Phénoménal Football (1976). Leur errance les ramène, bon an mal an, à leur camp de base, une usine désaffectée appartenant à la famille Livchine, située dans la banlieue sud de Paris, à Issy-les-moulineaux. Ils y créent un troublant Dernier Bal (1977),sorte de chant du cygne poignant de la culture ouvrière et du théâtre « engagé » sans ouvriérisme aucun. Et ce n’est pas un hasard si la même année, ils créent la 2CV théâtre.
Gend de dialogue social et de théâtre à l’emporte-pièce, ils éprouvent le besoin de se confronter à une ville, une population, et leur implantation dans la ville nouvelle de Saint-Quentin-en Yvelines (1978) leur donna satisfaction. Avant un départ mouvementé huit ans plus tard, ils devaient y concocter bien des spectacles (qui ensuite partiraient pour des conséquentes tournées), mais aussi des fêtes d’un week-end, comme le Carnaval des ténèbres, ou d’un jour, comme Le Mariage (1983), l’histoire d’un cortège nuptial traversant la ville. On les vit aussi s’aventurer avec d’autres saltimbanques de leur acabit comme Jacques Higelin pour l’Opéra Brûlé (1985) ou Nino Ferrer pour l’Arche de Noé (1986).
Loin d’être sensible à l’attraction parisienne, le théâtre de l’Unité s’en est radicalement éloigné en 1991 en s’installant à 487 kilomètres de là, dans l’est de la France, à Montbéliard, haut lieu des usines Peugeot. Ici, plus de bataille médiatique, plus de bataille de reconnaissance, disent-ils, peut-être la vraie vie, très pleine, face à des vrais gens.
C’est particulièrement flagrant avec des spectacles grinçants comme La Guillotine (1987) qui met en scène une exécution publique, ou l’Avion (1992) qui invite les spectateurs à prendre place à bord d’un engin destiné à s’écraser dans une zone inhospitalière où l’on s’imagine ce qui se passe entre les survivants. L’Unité appelle ça le « rituel expiatoire d’une catastrophe. »
Curieux de tout et résolument insatiables, les zigotos de l’Unité aiment aussi plonger à pieds joints dans des standards qui chez eux font office de fontaine de jouvence. C’est ainsi que leur version d’Ali Baba et les quarante voleurs (1988) lança en France une vogue de spectacles gigantesques pour enfants.
« Tout y est grandeur nature (la scène doit faire dans les 200 mètres de long et 15 de large) : La caverne, les quarante jarres, les voleurs en turban oriental, en veux-tu en voilà encore, les six morceaux du corps de Cassim, l’ignoble Coggia Houssein et sa moustache diabolique (…)ça, c’est la trame, usée comme il se doit, mais revisitée cool (l’anti-bigoudis Barbie-Goya) avec une légère ironie Mickey-brechtiènne qui fait crouler les 8-12 ans » (Libération)
De même, c’est après avoir rencontré les acrobates de la Compagnie Foraine que l’Unité pensa à l’Ensemble Ars Nova pour monter de concert une saisissante version de l’Histoire du Soldat (1989) de Ramuz et Stravinsky.
« Mêlant les deux origines de l’œuvre, russe et helvétique, il nous
installe dans une espèce d’auberge de campagne où l’on nous sert de la
vodka et des zaboukis sans que rien ne laisse présager le spectacle qui va
suivre et qui sera réalisé par le personnel de l’auberge. Tout s’enchaîne
dans une bonne humeur campagnarde, bon enfant et un peu égrillarde, avec un
luxe de trouvailles, d’astuces, de clins d’œil et d’effets spectaculaires
tout à fait enthousiasmants. » (Le Figaro)
Texte extrait du guide des 129 metteurs en scène qui ont voyagé avec l’AFAA
à travers le monde.
En 1993, ils créent à Montbéliard un Dom Juan des familles, qui aurait été joué quatre vingt treize fois entre mai 1993 et mai 1997.
Un jour, jacques Livchine a trouvé un livre intitulé La Musique à Terezin. On y apprenait que dans un camp de concentration en Tchécoslovaquie, les juifs montaient des spectacles, donnaient des concerts…
En 1995, ils créent Terezin. Ce spectacle sera joué 24 fois à Montbéliard, ainsi qu’au Festival International de théâtre de Grenoble.
Or donc à Montbéliard, ils ont ouvert cette année-là et le plus sérieusement du monde, le premier Centre d’Art et de Plaisanterie de France, établissement sans doute unique, qu’ils définissent comme une espèce "d’institution anti-institutionnelle"
Ils y ont repris quelques-uns des succès qui avaient assis leur réputation (cf Le théâtre de l’Unité et la Scène nationale).
A commencer par leur spectacle emblématique, la 2cv théâtre (1977). Deux acteurs à l’avant, deux spectateurs à l’arrière, assistent exactement aux premières loges à une scène de ménage d’une dizaine de minutes. Dans ce « plus petit théâtre du monde » généralement installé au centre des villes sur la grand’place, le Théâtre de l’Unité invente ce qui allait faire sa fortune : non plus un simple théâtre de rue plutôt un théâtre de foire revisité à l’heure des cités industrielles et de la société de consommation. L’imputrescible 2CV Citroën remplace les tréteaux, mais les signes du théâtre sont patents : un tapis rouge conduit les spectateurs à leur place, gardée par deux gardes républicains en grande tenue.
Le théâtre de l’Unité se soucie du public, et lui réserve une bonne place : celle du partenaire, du complice, de l’interlocuteur valable. Dans La femme Chapiteau (1979), une femme haute de quinze mètres invite les spectateurs, hommes en tête, à venir folâtrer sous ses jupes et là, dans les froufroutements, se joue un petit drame.
Dans le théâtre pour chiens (1984), les spectateurs sont priés d’apporter leur bête bouledogue, basset ou bâtard, qu’importe le spectacle est fait pour cette catégorie des spectateurs injustement privée des joies du théâtre qu’est la race canine.
Dans Mozart au Chocolat (1987) au contraire, c’est au spectateur que l’on offre un épais et délicieux breuvage viennois en l’embarquant dans une drôle d’aventure.
« Paré dès le début de la représentation d’une blanche perruque et d’une identité d’emprunt, chaque spectateur est aussi censé être le contemporain du musicien De sa seule présence, il participe donc à l’intrigue et sera même cité au cours de l’action. Derrière les paravents qui enserrent acteurs et public, quelques badauds, enfin, sont autorisés à reluquer cette intimité lyrico-théâtrale. Signe que ce genre de fête reste un grand plaisir élitiste. A l’Unité on fait sans complexe dans le clin d’œil satirique. Derrière la musique savante, les acteurs-chanteurs se déchaînent en réparties scatologiques droit sorties de la correspondance du génie. Les voies de l’harmonie sont impénétrables ; et ce spectacle décidément plein d’insolence derrière ses atouts sucrés » (Télérama)
On mange souvent dans les spectacles de l’Unité c’était déjà le cas d’un Bourgeois Gentilhomme (1981) pour lequel des maîtres queux avaient réalisé des recettes du XVIIe siècle, que les spectateurs dégustaient comme des intermèdes entre deux cuillerées de Molière. Ainsi, faisant aussi du théâtre pour bouffer, l’Unité pose subrepticement la question d’un théâtre culinaire et d’un art alimentaire.
De même, par la bande et ses ricochets d’humour, les spectacles de l’unité apportent souvent leur pierre et même leur pavé à une réflexion sur ce que doit être le théâtre à l’heure de la société du spectacle.
Avant-Seine, Colombes
Une veillée théâtrale et musicale pour une fin de saison surprenante et en bonne compagnie.
Théâtre des Sources, Fontenay-aux-Roses
L'Azimut - Théâtre F. Gémier / P. Devedjian, Antony
Théâtre Jean Arp, Clamart
Espace Jean Jaurès à Tomblaine, Tomblaine
Rutebeuf, Clichy La Garenne