Pour tout public à partir de 9/10 ans. Tarif -18 ans disponible au théâtre.
La pièce
« La plus-que-vie »
« Croire à un rêve ensemble... »
Notes de mise en scène
La presse
C’est l’histoire drôle et bouleversante de deux jeunes, à la fois normaux et exceptionnels, embarqués dans une aventure fantastique ; Casper et Tite pièce, son amoureuse, ont pris l’habitude de faire l’école buissonnière pour se retrouver et rêver ensemble à une vie meilleure. En devenant quelqu’un. Mais le garçon ne s’attend pas à la proposition qui lui est faite : il deviendra célèbre, très célèbre, en piochant dans l’humanité les sept personnes qui referont le monde, les sauvant d’un déluge imminent... Mais voilà, il n’a que trois petits jours, notre nouveau Noé ! Qui va-t-il choisir ? Des footballeurs qu’il admire ? Un clochard et son pigeon miteux ? Son père qui a la taloche facile ? Tite pièce et Casper passent la frontière du réel pour tenter de résoudre ce vertigineux problème...
Dans le monde d’Albatros, pas très loin de chez nous, les enfants sont lucides et ne s’en laissent pas conter. Ils grandissent tout seuls ou livrés à des adultes désemparés qui ne peuvent pas leur servir de guide dans leur apprentissage de la vie.
Albatros est aussi une pièce sur la capacité de s’envoler. Ne pas devenir un «homme en noir», ne pas rester échoué sur le pont - les albatros dans le poème de Baudelaire - , mais courir pour finalement prendre son envol et trouver sur les hauteurs des courants où l’on peut déployer ses ailes et faire le tour du monde - quel que soit ce monde.
Comme dans le poème de Baudelaire, l’albatros est une parabole. La générosité de l’œuvre de Melquiot, c’est de ne pas réserver les grandes envolées aux artistes ou aux poètes. L’albatros, ce peut être la voisine, un homme qui court, et qui finit par décoller enfin.
Serait-ce la fin du monde ?
Il pleut des grenouilles...
L'amour fracasse les pudeurs enfantines,
les hommes sans regard cessent de courir
et rêvent, les yeux ouverts, à des femmes rieuses, belles comme des albatros…
J’ai écrit cette pièce au bord de la mer, chez un ami espagnol qui me prêtait son bureau. Sa maison sentait l’amitié et la concentration. L’après-midi, on allait sur les plages se plaindre du déferlement des bétonneuses, et le soir, on mangeait comme quatre dans une taverne d’Alicante. Sinon, j’ai tout oublié de la naissance de cette histoire.
Je sais qu’au moment de la raconter, comme au moment de raconter toutes ces histoires, j’essayais de ne pas insulter l’avenir. Je courais, je sautais, je dansais ; faisais mon possible pour défier la mort, par le seul bouillonnement de mon sang, à toute vitesse. Une façon de dire au Méchant Loup : montre les dents, je ne tremble pas ! Je cours, je saute, je danse, je te raconte cette histoire : je suis un sur-vivant, un plus-que-vivant !
Ce que l’on cherche à écrire, c’est toujours l’impossible à nommer, ce qui ne peut se saisir, lorsqu’on n’est seulement vivant - c’est pourtant déjà considérable - mais il faut s’en aller sur-vivre, s’en aller éclore, au nom de cet autre que nous sommes quand l’œuf a cessé d’être l’œuf, vivre pour l’oiseau de soi, pour l’éclos, vivre au nom de l’Albatros qui niche en chacun et pour empêcher le déluge ou remplacer les génies - avec panache !
Il y a en chacun de soi un Albatros au moment de l’envol, il y a en chacun une piste d’envol, en chacun toutes les pistes ; et tous les égarements, toutes les morts.
Etre vivant, cela n’a jamais suffi à qui se penche au-dedans de soi pour, de l’intérieur, s’entretenir avec lui-même, à qui se penche au-dehors et par le regard filtre le monde tel qu’il est donné. Alors il faut courir, sauter, danser, marcher sur une poutre ou raconter des histoires. Comme si c’était là nos métiers.
Comme pour apprendre qu’habiter la Possibilité est un bon début pour s’en aller chercher la joie de l’Impossible - qui n’est d’aucune nationalité, ni d’aucun découragement, mais de toutes les fièvres.
Fabrice Melquiot
Fabrice Melquiot : J’ai commencé le théâtre accidentellement à dix-sept ans. J’accompagnais un copain à un cours d’art dramatique, j’ai bricolé un peu et la prof m’a encouragé à bricoler. J’ai suivi une formation d’acteur à dix-huit ans et j’ai rencontré assez rapidement Emmanuel Demarcy Motta (le metteur en scène). Nous avons travaillé ensemble pendant six ans.
Vous étiez donc acteur avant d’être auteur ?
Pendant une dizaine d’années, puis j’ai arrêté. J’avais déjà écrit deux pièces, publiées à l’École des loisirs, et il m’a semblé évident que je ne pouvais plus continuer à faire les deux. J’avais moins le désir de jouer, et l’impression qu’il y avait beaucoup de choses à écrire. Je suis donc parti pendant deux ans, j’alternais voyages et périodes d’écriture, et j’ai écrit une quinzaine de textes.
Comment vous est venu le désir d’écriture ?
Depuis toujours, mais après avoir traversé comme acteur des grands auteurs et des mots qui n’étaient pas les miens, après avoir porté ces mots, j’ai eu envie de creuser ma langue et mon rapport au monde. Le travail d’acteur n’était pas assez satisfaisant, j’éprouvais le besoin de construire une pensée, d’établir un rapport plus personnel aux mots... C’est sûrement aussi l’envie de dire des choses sur le monde. Je crois qu’il faut être un petit peu inconscient pour partir écrire alors que tout se passait bien, qu’il existait un accord artistique profond avec Emmanuel. Mais voilà. J’ai passé deux ans sans vraiment savoir si un jour ce que j’écrivais toucherait quelqu’un, et puis si.
Vous parlez de votre langue. Quel rapport justement entretenez-vous avec l’écriture ?
Il faut beaucoup écrire. J’ai écrit énormément, énormément de choses affreuses parce qu’il faut se vider de beaucoup de langues invitées à l’intérieur de soi et qui ne sont pas tout à fait votre propre langue. C’est une première étape avant de trouver ce rapport qui, pour moi, est une énigme absolue. Je n’ai pas le culte du secret quant à la particularité de mon écriture mais cela doit rester une chose mystérieuse. Je sais que tout ça se construit, mais je n’ai pas de rapport de technicien à l’écriture, plutôt un rapport intuitif. Cela a été ma manière d’aborder le travail de l’acteur, c’est ma manière d’aborder l’écriture, faire davantage confiance à des choses qu’on ne s’explique pas forcément.
Votre écriture travaille la langue, la poésie et le sens comme si le théâtre pouvait être le dernier refuge ou le dernier acte de résistance devant la perte des idéaux...
J’ai l’impression d’être dans un monde, une société, qui ne ressemble pas à ce que j’attends de la vie. Dans le théâtre, par la proposition du poème, j’essaie de reconstituer une sorte de micro société qui me correspondrait davantage. Le théâtre est l’espace d’une aventure collective, avec un groupe de personnes qui se met à croire à un rêve ensemble. J’ai tellement le sentiment d’être dans une société où chacun ne pense qu’à sa gueule et pousse sa petite bulle en avant pour pas trop se prendre de coups... Je crois que l’écriture est motivée par rapport à l’existence, mais c’est insuffisant, la vie ne suffit pas. D’où ce besoin de solitude aussi pour écrire mais si je fais du théâtre, c’est bien que j’éprouve le besoin que ma solitude rencontre la solitude d’autres gens, que l’on puisse se dire : là, il y a un poème, un rêve, allons-y, faisons exister cette chose-là et partageons-la avec d’autres.
Extraits d’un entretien avec Fabrice Melquiot Zoé Lin, l’Humanité.
La création en première mondiale d’Albatros représente un évènement !
Le jour où nous reçûmes le texte de l’Albatros, ce fut l’évidence : c’est lui que nous espérions, que nous attendions, qui était « fait pour nous » : ce climat mêlant émotion, humour et tendresse, la situation psychologique et sociale si forte des personnages, le choc poétique créé par la langue parlée et le mélange d’expressions drôles, cruelles ou pudiques, d’hier comme d’aujourd’hui. Et quelque chose de plus, de renversant.
Les premiers textes de Melquiot nous avaient plu déjà, avec des affinités particulières pour Les Petits mélancoliques, Perlino Comment, Le Gardeur de silences, Bouli Miro… Car Melquiot possède l’art de traiter avec passion et sans complaisance de sujets graves comme l’amour, la séparation, l’exil, ou la mort ; il ose l’impertinence, l’audace d’une langue familière et « burlesquement » poétique, le métissage des références culturelles, toutes générations confondues.
L’écriture de Melquiot est poétique et très évocatrice.
Il y a des pièces « à trous », qui sont ouvertes, ou même qui contiennent certains manques, et c’est alors à la mise en scène de les combler. Là, avec Melquiot, c’est presque le contraire. La pièce est tellement forte à la lecture que la question qui se pose, c’est comment préserver la puissance d’évocation d’Albatros une fois que les personnages seront incarnés sur la scène et que le décor sera posé. Il nous faut avoir la main légère, afin de garder intact, malgré tout l’arsenal qu’implique le passage du texte à la scène, le pouvoir qu’a Melquiot de faire voyager les gens par l’écriture.
Albatros est une pièce dure, qui parle de souffrance, de la perte.
Dure, oui, la pièce l’est, par les sujets qu’elle aborde et parce qu’elle est ancrée dans la réalité d’aujourd’hui, dans un monde a priori désenchanté. Mais Albatros, c’est aussi un hymne à l’espoir. C’est une pièce sur la métamorphose, sur la foi en la vie, où les personnages sont en transformation, mus par une force intérieure. Il y aussi une grande légèreté dans l’écriture de Melquiot, le rire côtoie le drame, et c’est ce qui lui permet d’aborder des sujets graves et des émotions profondes sans s’appesantir, en restant toujours dans une dynamique de construction.
Albatros mélange différents niveaux de réalité. Il y a des éléments très réalistes, d’autres fantastiques, et on passe de l’un à l’autre.
Le rêve, un des moments centraux de la pièce, n’est pas juste un rêve, c’est le moment de la métamorphose où tous les personnages se retrouvent bouleversés, changés, où ils renouent avec l’énergie vitale : la sclérose dans laquelle ils étaient figés explose pour faire renaître une énergie nouvelle. Chacun des personnages en ressort transformé. Le rêve fait partie de la réalité du théâtre.
Melquiot reprend à son compte la phrase de Paul Klee : “le visible n’est qu’un exemple du réel”. Il y a un invisible et il est surpeuplé. C’est parce qu’il y a cet invisible-là qu’il y a tant d’appels au fantastique dans ce qu’il écrit, des appels à cette dimension mystérieuse, secrète, qui touche à l’esprit, aux esprits, à l’invisible.
Toute la pièce repose sur cette foi, c’est ce théâtre-là qu’écrit Melquiot, c’est un peu sa vision du théâtre : croire que les gens changent, qu’en ayant le courage de rêver ensemble, on peut se transformer et remettre de la vie dans le monde.
Pour finir, Melquiot dit encore : « La seule chose qui compte, c’est ne pas insulter l’avenir. Ne pas imposer le désespoir aux enfants. Ce qui ne veut pas dire qu’un « happy end » est nécessaire à chaque fin de texte, loin de là. C’est de ménager dans chaque histoire une attente, une ouverture, un mouvement. Dépasser les constats, ne rien figer, croire aux métamorphoses. »
Dominique Catton et Christiane Suter
"L’enfance en une pluie de répliques, sorties de la bouche d’un petit prince gribouille tombé de sa planète. Le jeune écrivain Fabrice Melquiot a ce talent rare. Dans le très bel Albatros, monté par Dominique Catton et Christiane Suer, Louis Arene, dans le rôle de l’adolescent Casper, lance : « D’après toi, comment ils font les oiseaux quand ils n’ont plus de pattes, ils se posent sur le ventre ? » et « Comment font les morts quand ils n’ont plus que les os, pour se ronger les sangs ? » Les questions claquent sur le trottoir à caniveau géant imaginé par Jacques Gabel. L’oreille du spectateur est catégorique : Fabrice Melquiot écrit à voix haute ; ses dialogues, il les éprouve en même temps qu’ils jaillissent de son clavier." Alexandre Demidoff, Le Temps, 23 novembre 2004
"Bong ! Le bruit fait mal. Car c’est le bruit que fait la tête d’une gosse désespérée quand elle heurte la porte du paradis. Quand elle but contre l’hostilité du monde. Bong ! Le bruit résonne encore et toujours, et des ondes de frison gagnent les rangs des spectateurs totalement captivés par la salle. Albatros, c’est une évidence, sonne juste et touche droit au cœur." Françoise Nydegger, La Tribune de Genève
23 rue de Bourgogne 69009 Lyon