Arsène Jiroyan fait son Jean-Claude Tergal

• Arsène Jiroyan est Jean-Claude Tergal

Jean-Claude, ce personnage de bande dessinée, créé par Didier Tronchet, n'a vraiment rien pour lui. Anti-héros par excellence, collectionneur de "râteaux sentimentaux", ce looser en doudoune en arriverait presque à nous faire oublier ses déboires sentimentaux, tant Arsène Jiroyan gagne son pari de nous en faire rire.

La scène s'ouvre sur l'heureuse surprise de Jean-Claude de trouver tant d'amis (le public) à l'occasion de son anniversaire. Dès lors, il n'a de cesse de raconter sa "misère sexuelle", depuis que son Isabelle l'a largué…

Tout d'abord abattu, cet anti-héros va peu à peu reprendre goût à la vie et vous entraîner dans son délire. Le charisme de l'acteur, Arsène Jiroyan, et l'aisance avec laquelle il vous plonge dans l'intimité du personnage font le succès de ce spectacle : intimiste et interactif, plein de petits moments de délire…

• Les Femmes comprendront

"Les Femmes comprendront. Un type qui vient de se faire larguer peut devenir aussi touchant qu’une punaise écrasée sous le pneu d’un 38 tonnes. A le voir désemparé devant son répondeur, on aurait envie de prendre Jean-Claude Tergal dans ses bras. De le câliner, de le consoler. Seulement voilà, le bougre s’avère rapidement, si agaçant, si drôle, si corrosif qu’on préfère le laisser se débattre. Et prolonger le plaisir pris à observer ses errements d’homme au trente sixième dessous.

Adapté par l’auteur de la bande dessiné de Tronchet, ce spectacle décapant est une totale réussite. Arsène Jiroyan trouve là un personnage capable de faire le grand écart au sens propre comme au sens figuré. Du sur mesure. Pour tous ceux qui aiment rire, sans culpabilité du malheur d’autrui."

Laurence Haloche, Figaro Magazine

• Ce cher Arsène

Je ne sais pas depuis combien de temps je connais Arsène. Au moins une éternité, les années passent si vite… Lui se souviendrait sans doute, il se souvient de tout.

Oui, c’était il y a longtemps. J’avais accepté de faire partie d’un jury, et même carrément de le présider, pour juger les jeunes comédiens du Cours Viriot. D’habitude, je n’aime pas trop faire ça : donner mon avis, bons points et mauvais points, est une chose qui me plonge dans un grand embarras. Mais bon, cette fois-là, j’avais dit oui.

Entouré de quelques membres, dont Jean Delannoy et Yves Boisset si je me souviens bien, nous assistons aux auditions traditionnelles, menées tambour battant par le patron du lieu, Viriot père, autoritaire et terrorisant, aujourd’hui décédé.

Ce qu’il y a de bien avec ces auditions, c’est que l’on voit très vite qui est au point et qui ne l’est pas, qui impressionne la rétine et qui est translucide, qui vous réveille et qui vous endort. C’est une épreuve impitoyable, sans doute injuste parfois, mais très instructive.

La plupart des élèves passent volontiers des scènes classiques, mais chez Viriot, ils avaient l’habitude de plonger également dans un répertoire moderne, souvent cinématographique d’ailleurs.

Il y avait plusieurs bons éléments cette année là. Mails il y en a un qui m’avait vraiment tapé dans l’œil, qui avait pris le risque de ne passer que des scènes comiques, et qui était déjà d’une jolie efficacité dans ce domaine. D’une manière évidente, il ressortait du lot. Nous lui avons décerné le 1er prix. C’était Arsène Jiroyan. Et d’ailleurs, à l’heure où je vous parle, il est toujours Arsène Jiroyan.

Depuis ce jour, Arsène, il peut remercier ses parents pour lui avoir donné ce prénom épatant et rare, Arsène donc m’a toujours tenu au courant de ce qu’il faisait. Je lui ai parfois remonté le moral quand il était découragé, cela donnait de longues conversations téléphoniques épuisantes mais efficaces, la meilleure preuve, c’est qu’il a fait son chemin, et qu’il arrive à vivre de son métier, ce qui, par les temps qui courent, est déjà un titre de gloire.

Depuis plusieurs années, il me parle de Jean-Claude Tergal. C’est lui qui m’a fait connaître la bande dessinée de Tronchet. Il veut faire Jean-Claude Tergal au théâtre, il sent bien à quel point il est Jean-Claude Tergal. Quand nous nous voyons, de loin en loin, il ne me parle que de ça, glisse quelques extraits du spectacle en cours de conversation, se remue pour trouver un lieu, n’arrive à rien, se décourage, repart à l’assaut, continue à y croire.

Tout cela dure longtemps. Je n’entends plus parler, ni de Jean-Claude Tergal, ni d’Arsène.

Et puis voilà, aujourd’hui, il est sur scène, il joue enfin Jean-Claude Tergal, et il est heureux. Comme un gosse au pied du sapin, parce que le Père Noël lui a enfin apporté son cadeau.

J’ai vu le spectacle, et c’est vraiment très réussi et très drôle. Arsène a déjà tout compris de la scène et du public. Je croise les doigts pour que la réalisation de son rêve le rende heureux. Je croise les doigts pour que son Jean-Claude Tergal soit un succès.

Patrice Leconte