Cube comme ce carré découpé au sol dans lequel est enserré Emily Tanaka, comme cet espace à l'intérieur duquel elle déploie son corps, en quête d'un endroit où abriter ses sensations. Car si le cube est cet espace qui enferme et dont voudrait parfois s'échapper le corps, il est aussi ce qui définit les contours, une structure nécessaire sur laquelle s'appuyer : le cube, dans la théorie platonicienne, est le solide le plus stable, celui qui est associé à la Terre.
A partir de cette figure, et cherchant tour à tour à l'habiter ou à s'en extraire, Emily Tanaka travaille le mystère des forces qui la dépassent et la construisent, entre fragilité, délicatesse et envie de conquête.
Le corps passe par différentes matières, différents états : tour à tour corps décomposé en fragments éclairés, caressés par la lumière d'une lampe de poche qu'elle tient elle-même à la main, corps lentement déployé, cherchant autour de lui une issue, corps peinant à s'extraire de la pénombre qui le tient enfermé, pantin agité, convulsé, comme possédé, ou cherchant à sculpter l'espace autour de lui, se déployant enfin sur l'espace de la scène, avant de finir au fond, contre le mur, sous la puissance d'un cube décuplée par l'ombre.
Emily Tanaka invite ainsi à une célébration spectrale dans laquelle l'inanimé se met à vivre : une lampe, un cube lumineux peuvent devenir des présences inquiétantes, palpitantes, comme dans la culture japonaise où les objets, comme les êtres, ont une âme.
Avec son solo, elle conjugue la rigueur de la structure et l'évanescence des formes. Elle convie à une cérémonie mystérieuse, accompagnée notamment de la musique du groupe Mogwai, qui, en chinois signifie « les fantômes ».
Solo - durée : 15 min
Emmanuelle Mougne
Pour son premier solo, Adam Linder s'est intéressé au phénomène de la dépense, observant le corps comme un matériau périssable, en voie de dégradation – le lieu d'une lutte entre conservation et désir d'autodestruction. Pour incarner ce conflit intérieur, il a élaboré un « panorama de paysages physiques » suivant la dérive d'une figure tourmentée – divisée entre apparence et pulsions, enveloppe de chair et organisme morcelé.
Sur la scène vide, deux musiciens, et un étrange personnage couvert d'une capuche cachant ses traits : un dispositif épuré, progressivement troublé – déformé de l'intérieur par le corps qui l'habite. Parcourant la scène comme une zone piégée, semée d'obstacles invisibles, cette figure masquée opère une mise à nu des semblants : à la recherche d'un noyau dur, d'un point d'unité dans le corps, son errance expose l'illusoire cohérence de l'individu, l'inexorable entropie qui l'envahit. Le yoyo qu'il manipule semble une image en miroir de sa propre trajectoire : un reflet du va-et-vient qui le traverse – du balancement constant entre chute et repos, immobilité et mouvement irrépressible.
À mesure qu'il retire des couches, apparaissent les zones de désordre : le chaos interne remonte à la surface, l'espace est envahi par un sentiment de perte de contrôle et d'éparpillement. Les membres agités par un bouleversement exponentiel, Adam Linder rampe, cherche des appuis, voltige dans le vide, chute, se relève, essaie encore. Pris entre des moments d'hébétude, de flottement, traversé par des décharges électriques, il semble livré à une force qui le dépasse – comme si plusieurs présences contradictoires se débattaient en lui. Des instants d'apaisement surviennent – pauses fragiles qui rythment la succession des déflagrations. Dans ce trajet vers l'émiettement, la danse traduit une déliquescence inexorable : une allégorie de la société de consommation, où toute marchandise est, comme l'indique le titre, « rapidement murie, rapidement pourrie ».
Solo - durée : 45 min
Gilles Amalvi
75-81 avenue de la Marne 93800 Epinay-sur-Seine