L’humour libre est une preuve de démocratie. A contrario, les dictatures plus ou moins affichées ne s’en sont jamais accommodées. A travers l’espace et le temps, il est urgent de se souvenir des méfaits du stalinisme, du maccarthysme, du pétainisme et de tous ces néo-nazismes qui censurent, menacent, désespèrent, emprisonnent, assassinent les bouffons shakespeariens qui auront eu l’audace de clamer que le roi est nu.
Aujourd’hui encore, l’esprit de censure étant bien partagé, de la Russie de Poutine à
l’Amérique de Bush, que dire de la Tunisie de Ben Ali, de l’Algérie de Bouteflika et des prudences
alaouites du Maroc de Mohammed VI ? Et la renommée des grands clowns israéliens sous Sharon ou
iraniens sous Ahmadinejad n’est pas parvenue jusqu’à moi. Ici, en France, pour avoir été moi-même
black-listé sous Giscard – j’y ai survécu – il ne m’a pas échappé que le pays des droits de l’homme est
une démocratie à géométrie variable et que le rire résistant, cerné par les reptiles obligés de certains
tréteaux médiatiques, doit avancer, sous quelque régime que ce soit, dans l’insouciance et la gaîté,
mais le couteau à la main. Hier, aujourd’hui. En attendant demain.
Guy Bedos
D’une manière générale et depuis longtemps, on peut dire que vous travaillez sur l’actualité,
c’est là que vous trouvez les sujets qui nourrissent vos spectacles…
Guy Bedos : Ça dépend… Il y a des actualités permanentes comme la nature de l’être humain par
exemple. Je ne vais pas chercher mon inspiration uniquement chez Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal
ou encore George Bush. Ma Revue de presse est planétaire. D’ailleurs, il y a une forte connexion entre
ce qui se passe à la Maison Blanche et ce qui se passe à Paris, quoi qu’on en dise. Dans le camp
Occidental, l’Amérique a une telle place que, dans un de mes spectacles, je demande le droit de voter
aux élections américaines, parce que ça nous regarde aussi ce qui se passe là-bas. Ce qui ne veut pas
dire pour autant que je donne raison aux anti-Américains, bien sûr.
Votre ligne, votre slogan c’est « faire du drôle avec du triste ». Ça tient toujours ?
G. B. : Oui, ce slogan que je me suis donné, il faut que je le respecte parce que je ne suis ni un homme
politique, ni un philosophe. Certes, j’ai des convictions, mais il fut un temps où mes spectacles
ressemblaient un peu à des meetings politiques, ça m’a un peu passé. Mais je veux faire rire avec ces
choses-là parce que l’esprit de sérieux est dangereux. Il fut un temps où, même dans le sérieux, on était
très gais, mais c’est une époque révolue, celle du manichéisme où la gauche était très belle et la droite
était moche.
Depuis il y a un phénomène nouveau, c’est celui des fondamentalismes religieux qui s’est
sérieusement aggravé…
G. B. : Je suis effaré par le décalage qu’il y a entre les avancées technologiques - internet, le téléphone
mobile, etc. - et le fait que l’esprit humain en soit encore au Moyen Age. Que ce soit au nom de Dieu,
du pétrole ou des deux, on s’étripe exactement comme il y a cinq cent ans ! Je suis proche de Michel
Onfray qui me traite de philosophe. Moi, je ne vais quand même pas le traiter de clown parce que ce ne
serait pas agréable pour lui, mais il a quand même un certain talent d’acteur. Il écrit des choses que je
pourrais co-signer parce qu’il remet en question les trois livres monothéistes, la Bible, le Coran et la
Torah, en se demandant : « Qui a écrit ça ? Quand ? Et quelle foi peut-on accorder à ça ? ». En même
temps, il n’attaque pas la foi qui peut servir de béquille à certains pour vivre. Mais au nom de Dieu ces
temps-ci, il s’en passe des choses !...
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