Molière 2014 de la Comédienne dans un second rôle : Isabelle Sadoyan
Un boulevard œdipien
Note d'intention
Entretien avec Sébastien Thiéry
Extrait
La presse en parle
Histoire vraie : l’auteur de L'Origine du monde réveille un beau matin Jean-Michel Ribes en sonnant à sa porte. Habillé en maître d’hôtel de luxe, queue-de-pie et gants blancs, il lui apporte sur un plateau d’argent un petit-déjeuner. Seule façon de le rencontrer. Sébastien Thiéry est, selon Jean-Michel Ribes, « quelqu’un qui vous réveille au moment où on s’y attend le moins, avec un sourire de petit diable qui fait briller ses yeux et ses pièces, quelqu’un dont la nature est faite pour anéantir l’esprit de sérieux avec des répliques irrésistibles ». L'Origine du monde raconte les états de Jean-Louis, quarante ans, qui réalise en rentrant chez lui que son cœur ne bat plus. Est-il en vie ? Est-il mort ? Comment interpréter ce singulier signe du destin ?
En sursis, il enquête, s’inquiète. Ni son ami vétérinaire, ni sa femme n’arrivent à trouver une réponse sensée à ses questions. Seul un marabout africain semble en mesure d’aider Jean-Louis. Mais pour cela, il aura besoin de remonter à la source de ses problèmes : sa mère, ou plus exactement le sexe de sa mère.
L'Origine du monde, comme les pièces précédentes de Sébastien Thiéry, Cochons d’Inde, Qui est Mr Schmitt ? ou Comme s’il en pleuvait, met en scène un bourgeois bien tranquille sur qui une invraisemblable malédiction s’abat. Jean-Michel Ribes, directeur du Rond-Point, auteur, cinéaste et metteur en scène, manipule ici la bombe d'un autre, avec tact mais hardiesse. Parcours initiatique aux détours explosifs, L'Origine du monde fait éclater de rire et grincer des dents à la fois. Les complices Ribes et Thiéry croisent le fer pour atteindre le comble de leurs oxymores favoris : un rire de démangeaison, l’effroi de la drôlerie, l’hilarité sous la douche froide.
Sébastien Thiéry est un être singulier mu par une insolence burlesque et une imagination dont l’absurdité n’a d’égal que sa vivacité. C’est quelqu’un dont la nature même semble faite pour anéantir l’esprit de sérieux et faire disparaître nos tracas à coup de répliques irrésistibles.
Je le connais depuis longtemps, il m’a réveillé un beau matin habillé en maître d’hôtel de luxe, queue de pie et gants blancs m’apportant sur un plateau d’argent un petit-déjeuner… seule façon m’avait-il dit de me rencontrer à un moment où il n’y parvenait pas.
Voilà, Sébastien Thiéry c’est quelqu’un qui vous réveille au moment où on s’y attend le moins, avec un sourire de petit diable qui fait briller ses yeux et ses pièces.
J’ai mis en scène sa première oeuvre Sans ascenseur au Théâtre du Rond-Point il y a sept ans. Il m’a demandé de lire L’Origine du monde et de la monter si elle me plaisait. Elle m’a beaucoup plu, même un peu plus que ça… Et il est le bienvenu dans ce Théâtre du Rond-Point qui tente à travers l’écriture d’aujourd’hui de saluer la fantaisie subversive des auteurs vivants.
Jean-Michel Ribes
La pièce L’Origine du monde est-elle un portrait de mère ou un portrait de fils ?
Ni l’un ni l’autre. C’est surtout d’une photo de vagin dont il est question. Plus sérieusement, je suis bien incapable de dresser le portrait de la mère en général, et de la mienne en particulier. L’Origine du monde est juste une farce, un peu dérangeante je le concède, mais qui n’a d’autre ambition que de faire rire.
C’est une pièce de réconciliation, ou une déclaration de guerre ?
Un peu les deux probablement. Ça dépendra des spectateurs. Pour moi une bonne pièce, c’est celle qui raconte à différentes personnes différentes histoires. Il n’y a aucune psychologie dans L’Origine du monde, juste une situation absurde : celle d’un homme qui doit prendre en photo le sexe de sa mère pour ne pas mourir. Mais pourquoi trouver un sens à cela ? Je ne sais pas ce que j’ai voulu dire, je sais à peine ce que j’ai voulu taire...
L’Origine du monde règle son compte à la mère, monstre castrateur. Toutes les mères sont-elles des « hommes à abattre » ?
Je connais surtout ma mère, ça m’est difficile de répondre pour celles des autres.
Vous écrivez pour Pierre Arditi, Richard Berry, Patrick Chesnais… Aujourd’hui pour Jean- Michel Ribes… Le théâtre, c’est une histoire d’hommes ?
Mon théâtre certainement. J’écris des rôles d’homme principalement parce que j’en suis un. Je raconte mes histoires comme si elles m’arrivaient. Et puis je suis un acteur qui a longtemps été au chômage, alors inconsciemment, avant de me lancer dans l’écriture d’une pièce, je me projette toujours dans le rôle central au cas où on ne me proposerait plus rien. J’ai la chance que de grands comédiens acceptent d’interpréter mes personnages, alors je leur laisse la place et je me retrouve être un auteur qui n’écrit que pour les
hommes.
Aimez-vous horrifier le spectateur avec des thématiques « tabou » ? Le théâtre, c’est une arme de provocation ? Un lieu de dérangements ?
Je n’aime pas particulièrement horrifier les spectateurs, mais j’essaie néanmoins de les surprendre à chaque fois. J’ai tendance à raconter toujours la même histoire dans mes pièces, celle d’un bourgeois qui se bat contre une situation qui se détraque. J’aime cette idée de répétition, mais le danger serait que je me répète. Pour éviter cela, j’essaie de me surprendre moi-même en allant plus loin à chaque fois dans l’impertinence, voire l’insolence et quelques fois la provocation. Et puis je le reconnais, j’aime bien écrire des choses dérangeantes. En même temps, les gens se dérangent pour venir au théâtre, c’est normal qu’ils se sentent parfois dérangés quand ils en sortent.
Propos recueillis par Pierre Notte
Michel Il semblerait que tu sois mort.
Jean-Louis Mais mort… Sans vie ?
Michel Oui. Si ton sang n’est plus éjecté vers les poumons ni vers l’aorte… C’est que tu es décédé.
Jean-Louis Tu veux dire comme Jean-Paul ?
Michel Non, Jean-Paul c’était la vessie. Toi ça va la vessie ?
Jean-Louis Mais je ne peux pas être mort puisqu’on discute ? On ne discute pas avec un mort ?
Michel Je ne sais pas… Franchement, je ne sais pas. Tu sais, je suis là parce que je t’aime bien.
Jean-Louis Enfin, Michel, ça ne parle pas, un mort !
Michel Moi je ne suis pas cardiologue… Je suis pas guérisseur… Je suis vétérinaire.
« Une pièce très féroce adossée à un argument volontairement scabreux. Très drôle et cruel. Il faut dire que la distribution est excellente. La mise en espace, la direction d'acteur, la présence de Sébastien Thiéry lui-même, tout transfigure la comédie et lui donne une certaine gravité par-delà les fous rires provoqués par cette quête délirante. » Armelle Héliot, Le Figaro, le 3 août 2013
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