Tout public à partir de 7 ans.
De filles, même, puisque les interprètes sont des jeunes filles de douze à vingt ans. Sous la houlette de la chorégraphe Marion Muzac, ces danseuses amateurs rendent hommage à quatre pionnières du siècle dernier : Loïe Fuller, Isadora Duncan, Ruth Saint Denis et Joséphine Baker.
Le propos de Marion Muzac est clair : mettre les femmes en avant. Ne serait-ce que pour infléchir le déséquilibre hexagonal, ou une majorité d’hommes dirige la plupart des scènes nationales et des plateaux de cinéma. La réponse de la chorégraphe est à la mesure de l’enjeu. Plusieurs groupes de vingt jeunes filles venues des quatre coins de la France ont suivi en parallèle des ateliers chorégraphiques consacres à quatre « révolutionnaires » de l’histoire de la danse. À l’issue de ces séances, vingt interprètes ont constitué le groupe final, qui reflète les multiples visages de l’adolescence d’aujourd’hui.
Elles aiment Rihanna ou pratiquent le krump, suivent des cours de danse jazz et écoutent de l’électro, se rêvent en ballerines tout en écoutant du rap. En leur donnant place sur le plateau, Marion Muzac n’entend pas gommer leurs personnalités. Elle souhaite au contraire valoriser leurs différences en confrontant leurs pratiques avec les danses des grandes figures féminines du début du siècle dernier.
Les déhanchés de Joséphine Baker s’avèrent très proches de certaines figures de la street dance et les ondulations de Ruth Saint Denis évoquent la gestuelle de Bollywood… La musique du spectacle invite au voyage avec ses percussions à la fois exotiques, antiques et primitives. Avant de venir à Chaillot, Ladies First sera représenté en divers lieux partenaires, toujours accompagne d’ateliers de sensibilisation.
Isabelle Calabre
Ladies first est un projet chorégraphique où les filles reprennent place sur le plateau en rendant hommage aux femmes de l’histoire de la danse que sont Isadora Duncan, Loïe Fuller, Ruth Saint Denis, Martha Graham et Joséphine Baker.
Rendre hommage à ces cinq figures de l’histoire. Il n’est pas ici question de reconstituer leur danse, mais bien au contraire de voir de quelle manière une vingtaine de jeunes filles âgées de treize à dix-huit ans pourraient se réapproprier quelques caractéristiques des danses de ces trois artistes : gestuelle ondoyante, faite d’élan, d’engagement et de sensualité… Isadora Duncan, Loïe Fuller, Ruth Saint Denis, Martha Graham et Joséphine Baker font partie de ces icônes immortelles du monde artistique du début du siècle dernier qui ont été considérées comme révolutionnaires dans le monde de l’art chorégraphique. Elles sont initiatrices d’une nouvelle façon de penser la danse, de montrer le corps, elles développent de nouvelles esthétiques. Ce sont des aventurières, elles ont goût pour le voyage, les contrées lointaines, sources pour elles d’inspiration exotique pour leurs spectacles et leurs performances.
Cent ans après, la jeunesse est un miroir des préoccupations de ces artistes. Aujourd’hui il n’est pas question de revendiquer une appartenance à une danse particulière, à un style unique. Comme ces femmes à leur époque, les jeunes danseuses d’aujourd’hui sont libres de toute appartenance esthétique propre, elles ont une forte capacité à s’approprier les styles de danse qui les inspirent : hip hop, danse contemporaine, électro, bollywood, twerk…
La danse est un vaste melting pot, fruit d’un large accès à tout ce que l’histoire a produit. La réappropriation rapide, la récupération sauvage, donne naissance à de nouvelles formes de danse hybrides et décomplexées. L’appartenance à une danse dominante n’est plus dans l’air du temps, et l’apprentissage est souvent solitaire, autodidacte. Les jeunes danseuses se sont elles aussi émancipées des maîtres, mais elles vénèrent les icônes du RnB, comme Isadora et ses suivantes vénéraient en leurs temps les dieux de l’antiquité !
La notion de voyage et d’exotisme est actuellement ancrée dans le quotidien par les influences que les jeunes de diverses origines peuvent avoir les uns avec les autres.
Enfin, comme ces cinq artistes profitaient de l’avancement technologique de leur temps et le mettaient pour certaines à profit au cœur même de leur création, la danse, grâce à la technologie actuelle qu’offre internet via les réseaux sociaux, avance, circule, s’agite aujourd’hui partout dans le monde.
L’aller-retour entre un passé et un présent finit toujours par créer quelque chose. Et si la modernité est le fruit d’un vaste brassage alors il est temps de célébrer les danseuses qui en ont ouvert la porte.
Il s’agit de s’appuyer sur les motifs de mouvements qui caractérisent les danses d’Isadora Duncan, Loïe Fuller, Ruth St Denis et Martha Graham et de Joséphine Baker.
Des photos, quelques vidéos et les traces écrites serviront à s’imprégner des univers de chacune et de voir s’il existe des similitudes entre la façon dont les jeunes filles appréhendent le mouvement ou au contraire ce qu’elles pourraient apprendre des danses de ces cinq femmes. Pour exemple, l’ondulation chère à d’Isadora Duncan et le célèbre déhanché de Joséphine Baker devraient trouver un écho auprès de ces jeunes filles.
À cent ans d’écart, les cultures de danses aussi diverses soient-elles vont ainsi enrichir le processus de création. La confrontation, le mixage, la réappropriation seront les bases pour l’élaboration de la pièce. Le pari est d’enrichir la danse par un matériel vivant. Ce groupe de 20 jeunes filles cherche avant tout à rendre un hommage aux pionnières qui ont marqué l’histoire de la danse.
L’idée est de faire un pont entre les danses dites populaires et celles qui se sont inscrites dans l’histoire. Le métissage de la danse est au cœur du projet… un nouveau folklore va naître.
La bande son de Ladies first sera en partie interprétée par les danseuses participant à la création. La proposition musicale se présente comme un voyage chanté en terre féminine, par le biais d’un répertoire proposant à la fois des arrangements originaux, notamment de chansons, et l’interprétation de pièces pour chœur du répertoire dit « classique ».
Deux idées directrices portent les choix musicaux. La première est de celle de la corrélation avec le mouvement dansé hérité des figures iconiques auxquelles Ladies first rend hommage ; on puise dans le répertoire des compositeurs de l’art nouveau, de Fauré, de Debussy dont la musique épouse la sinuosité des chorégraphies serpentines de Loïe Fuller, mais aussi plus largement dans celui de la vivacité, de la légèreté, du rythme du rebond, par exemple dans les chœurs d’opéras d’Henry Purcell.
La seconde idée est celle de l’affirmation d’un féminin fort, d’une liberté de pensée affranchie des conventions, par le biais de chansons de Beyoncé à Anne Sylvestre en passant par Fréhel et Carla Bley, dont le propos fait le lien entre l’engagement des grandes créatrices au début du XXème et celui des jeunes filles sur scène, tourné vers leur avenir de femmes et d’artistes
La scénographie
Elle serait envisagée de concert avec la danse. « Le voile » pourrait être perçu comme le fil conducteur de l’ensemble de la pièce et détourné de sa fonction première. Chez Isadora Duncan il est le prolongement de ses mouvements, Loïe Fuller le déploie et le fait virevolter, Ruth St Denis s’enveloppe avec et Martha Graham joue de son élasticité pour transformer le corps. Au sol, une accumulation de tissus de différentes matières pourrait former comme un bas-relief qui ouvrirait la pièce, duquel jailliraient tout en langueur les corps des danseuses. La scénographie permettrait de sublimer, de questionner de mettre en relief ou à distance toutes ces esthétiques. S’inspirer des motifs de l’art nouveau fait de spirales et de rosaces pour aller vers un paysage plus épuré, plus linéaire. La scénographie se développerait en résonance à la gestuelle qui du flux continu cheminerait vers des mouvements plus segmentés.
Le costume
Il doit être conçu pour souligner l’idée de communauté. L’appartenance à un groupe chez les adolescents est une façon de s’affranchir des codes familiaux et culturels. Néanmoins, chacun doit pouvoir affirmer sa personnalité ce que nous chercherons à mettre en évidence pour le projet. Les danseuses participeront à la réflexion autour du costume à partir des notions de liberté, de féminité, d’engagements chers à nos quatre danseuses.
L’Exposition universelle qui me laisse un souvenir plus vague que tel souvenir théâtral qui la précède. De cette foire confuse et poussiéreuse, je conserve une seule image vivante et flamboyante : Mme Loïe Fuller. Que reste-t-il des bonhommes Guillaume, de Cléo de Mérode en cuirasse d’or, du trottoir roulant, des maréoramas et des stéréoramas, du château à l’envers et des fontaines lumineuses ? Est-il, en revanche, possible d’oublier la dame qui trouve la danse de son époque ? Une grosse américaine, assez laide et à lunettes, debout sur une trappe-lentille, manœuvre avec des perches des flots de voile souple, et sombre, active, invisible, comme le frelon dans la fleur, brasse autour d’elle une innombrable orchidée de lumière et d’étoffe qui s’enroule, qui monte, qui s’évase, qui ronfle, qui tourne, qui flotte, qui change de forme, comme la poterie aux mains du potier, tordue en l’air sous le signe de la torche et de la chevelure.
Maxim’s, le Grand Palais, Lalique… certes ! Ils vous donnent une idée de 1900, ils dressent une carcasse de feu d’artifice. Saluons ici la danseuse, qui tirait ce feu d’artifice, l’élément qui dressait ce fantôme d’une époque où la femme, ses dessous et ses grâces onduleuses, règne jusqu’à prendre sur les quadriges de marbre du Grand Palais, la place habituellement réservée aux jeunes hommes.
Jean Cocteau, Portraits souvenir, Grasset
Isadora ! Que ma rêverie s’arrête un peu sur elle, femme admirable et digne de ces époques et de ces villes qui échappent aux règles du bon goût, les bousculent et les dépassent. J’aimerais paraphraser Nietzsche et Wilde : Elle a vécu le meilleur de sa danse. Peu lui importaient les détails. Elle ne clignait pas un œil artiste et ne prenait pas de recul. Il s’agissait de vivre en masse, par-delà le beau et le laid, d’empoigner la vie et de la vivre nez à nez, les yeux dans les yeux. C’était l’école de Rodin.
Peu la dérange, notre danseuse, si la robe glisse et découvre des formes informes, si les chairs tremblent et si la sueur coule. Tout cela reste en arrière de l’élan. Demandant des enfants aux mâles et les obtenant et les réussissant et les perdant atrocement d’un seul coup de malchance farouche, dansant au Trocadéro accompagnée de l’orchestre Colonne ou, par un phonographe, sur les esplanades d’Athènes et de Moscou, comme a vécu cette Jocaste elle est morte, victime de la complicité d’une voiture de course et d’un châle rouge. Châle qui la détestait, la menaçait, l’avertissait ; qu’elle bravait et s’obstinait à mettre.
Jean Cocteau, Portraits souvenir, Grasset
1, Place du Trocadéro 75016 Paris