A partir de 9 ans.
La pièce raconte une journée de trois enfants, à la fin de l’été.
L’un, le garçon de passage, qui n’est pas de la vallée, est amené pour la première fois, les yeux bandés, par les deux autres dans leur repaire secret, leur lieu de rêves et de jeux : une gorge cachée dans la montagne où s’est formée une sorte de lac avec, au milieu, une île sur laquelle quatre arbres s’élancent vers le ciel.
Les deux autres personnages sont « le garçon », celui qui se perd dans les choses, le sensuel, et « la fille », celle qui sait, la mémoire et la sagesse de l’île. Il y a aussi un absent, souvent évoqué mais parti depuis des années : « le grand », qui l’a découverte et qui en a inventé tous les rites et toutes les légendes.
L’histoire est celle de cette journée particulière, depuis l’arrivée le matin jusqu’au départ dans la nuit. Il s’agit pour le garçon et la fille d’initier le garçon de passage aux règles de l’île, à son langage mystérieux, de lui faire passer des épreuves pour qu’il puisse faire partie de leur tribu et s’intégrer à leur clan. Après les rites d’adresse et d’intelligence, de soumission puis d’humiliation, le dernier examen est une épreuve de courage qui consiste à passer au-dessus du « gouffre » sur le petit radeau qu’ils ont fabriqué, pour avoir la vision de la cathédrale engloutie qui y reposerait au fond.
Mais la traversée se passe mal.
Dès lors, chacun est renvoyé à soi, à l’ambivalence de ses sentiments pour l’autre, à sa solitude, à ses mensonges et à ses secrets, à ses trahisons et à ses reniements. L’île perd toute magie, elle n’est plus le lieu de la fusion au tout, de l’intimité aux êtres et aux choses, mais celui de la naissance tragique du soi, dans le retrait, la séparation et la fêlure. Une dernière tentative de cérémonie n’y changera rien, ils devront inventer autrement les possibles réconciliations avec le monde et les autres, avec en mémoire le souvenir de l’enfance toujours possible, disponible.
Le premier tableau est une longue séquence qui alterne passages dialogués et récits, visions et réflexions, où chacun tente de reconstituer les évènements de la journée. La seconde partie est éclatée, constituée de quatre scènes dialoguées de plus en plus courtes, où l’île disparaît peu à peu et où les personnages se retrouvent face à eux-mêmes. Un dernier monologue de la fille, quelques années plus tard, quand il est à nouveau possible de convoquer l’enfance, raconte sa redécouverte de l’île à nouveau transfigurée.
Celui qui ne fait que passer ne fait pas que passer. En passant, le Garçon crée du mouvement, sans même le savoir ; il bouleverse tout sur son passage, malgré lui. Peut-être est-ce parce qu’il passe au bon moment, comme si tout l’attendait pour bouger. Ce garçon-là n’a pourtant rien d’un magicien : il est simplement là, présent aux choses et aux êtres. En interrogeant le monde et ceux qui le crée, il amène finalement chacun à se positionner, à penser pour soi-même, loin des idées clanistes. Car si le clan a pu donner naissance à un monde régi par des lois et des valeurs pleines de sens, il est appelé à s’ouvrir et à se heurter à d’autres pensées, d’autres sensibilités.
Le passage de l’enfance à l’adolescence n’est qu’une des étapes que nous traversons au cours d’une existence. Le Garçon est là, heureusement, pour nous le rappeler. Car nous avons la mémoire courte, êtres sédentaires que nous sommes, installés dans notre vision du monde et nos schémas relationnels. Les aventures vécues par ces trois grands enfants sur leur île nous invitent à emprunter de nouveaux passages en interrogeant nos représentations.
S’il s’agit là principalement ce dont Le Garçon de passage nous semble traiter, c’est au coeur même de notre travail, de nos répétitions et de la création du spectacle que nous chercherons, nous aussi, à passer, au-delà de ce que nous sommes. Paul Grenier
A Stazzona, Pioggiola 20259 Pioggiola