« Bienheureux les fêlés, ils laissent passer la lumière » M. Audiard
Duettistes hors catégories, virtuoses du décalage, Les Mauvaises traversent plus de deux mille ans de tragédie en moins d'une heure vingt. Antique, classique ou sensuel, aucun genre n'échappe à leur sagacité. Un pur moment de poésie épicurienne.
Qu'est-ce qu’il se passe ? Aristote a-t-il vraiment vampirisé le théâtre occidental¹ ? Où en est la tragôdia - le « chant des boucs » ? La tragédie - le genre dramatique - disparaît peu à peu de la scène théâtrale occidentale. On en représente rarement et on s'y ennuie souvent. Est-ce une question de fond, de forme ? Dans Les Mauvaises - l'érotisme de la tragédie Blanche Descroches et Rose Bécarre - spécialistes mondiales autoproclamées² - se posent cette question, établissent un diagnostic et proposent un remède.
Comment représenter la tragédie aujourd'hui, ici et maintenant ? Comment relier l'histoire de Médée, Marguerite Gautier ou Jo Caste à nos préoccupations, nos angoisses, nos interrogations actuelles ? Comment entendre la musique intérieure, retrouver le caractère sauvage, primitif, l'essence même de ces personnages qui nous disent tant sur nous-mêmes ?
Pour répondre à ces questions, Les Mauvaises revisitent le destin de ces archétypes, et puisent dans deux gisements de poésie, d'intelligence et de fantaisie: les oeuvres d’auteurs oubliés - ceux qui auraient eu une grande réputation s'ils n'avaient point eu de frère, les seconds couteaux de la petite histoire - et les oeuvres imaginées d’auteurs imaginaires.
Les Mauvaises sont drôles, mais ne vont jamais chercher le rire, elles font ce qui ne se fait pas et cultivent l'absurdité. Le rire, s'il vient, est issu de leur poésie, de leur candeur aussi, de leur fragilité, de leur être profond en tous cas. Les Mauvaises ont un regard lucide, acéré, et admiratif sur le théâtre tragique. Héroïnes de par leur quête, mais hors normes de par leur méthode, elles sont les petites filles adoptives de Peter Sellers et de Florence Foster Jenkins. Sincères et vraies, elles font les choses très sérieusement et ont la grande assurance de ceux qui y croient éperdument.
Les Mauvaises ont une vocation : cultiver les décalages de sens, les associations incongrues et les paradoxes syllogistiques. Adeptes inconditionnelles de l'oxymore, la Tragédie ne pouvait échapper à leur quête de non-sens. Riches de leurs compétences abyssales tous domaines confondus (jeu dramatique, musique, chant, claquettes...), Les Mauvaises proposent un spectacle total.
1. Florence Dupont : « Aristote ou le vampire du théâtre occidental » éd. Aubier, 2007
2. « Les Mauvaises, un duo de violoncellistes mal tempérées »
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris