À partir de 7 ans.
« Mourir ! Moi, le premier horloger du monde ; je ne peux pas mourir ! Maître Zacharius a créé le Temps si Dieu a créé l’Eternité ! » J. Verne
Le vieil horloger Zacharius a réglé ses montres sur les battements de son cœur. Lorsque celles-ci s’arrêtent une à une il sent sa fin venir. Un être diabolique lui offre de l'aide contre la main de sa fille mais Zacharius sait qu'une de ses horloges vit encore et se lance fébrilement à sa recherche.
« C’est la mort ! C’est la mort ! … Que me reste-t-il à vivre, maintenant que j’ai dispersé mon existence par le monde ! Car moi, Maître Zacharius, je suis l’âme de tous ces monstres ; c’est une partie de moi-même que j’ai enfermée dans chacune de ces boîtes ! Chaque fois que s’arrête une de ces horloges maudites, je sens mon cœur qui cesse de battre, car je les ai réglées sur ses pulsations… Fatalité ! Malheur et tourment ! »
« On aime beaucoup [...] Antonio Nunes Da Silva crée un solo qui renoue avec une esthétique proche du cinéma expressionniste allemand à la Murnau. Il joue du contraste entre l’intensité dramatique du récit fantastique et son interprétation multiforme des six personnages : tourmentés, diaboliques, comiques… Il ne se refuse aucun effet dans le jeu et réussit à faire frémir ou rire. » Françoise Sabatier-Morel, Télérama, avril 2014
« A la mise en scène ainsi qu’au jeu, Antonio Nunes da Silva, porte avec panache ce spectacle plein de charme et d’ingéniosité, intelligent et rythmé. Il est seul en scène et passe tour à tour d’un personnage à un autre avec une précision d’horloger, orchestrant avec maestria non seulement la narration de l’histoire mais également les changements de décors à vue, prenant en charge toutes les composantes scéniques de la représentation » Marie Plantin, Le Pariscope, février 2014
Antonio Nunes da Silva met ses talents d’artiste et son expérience de mise en scène au service de cette histoire extraordinaire du jeune Jules Verne. Tour à tour vieillard orgueilleux, servante bigote ou diable sarcastique, il relève le défi d’en incarner seul sur scène les six personnages, auxquels – chose rare – il confie aussi le fil de la narration.
Sur les rythmes enlevés de musiques de l’époque de Jules Verne (Rachmaninov, Moussorgsky…), le jeu souvent expressionniste de l’acteur fait allusion à celui des films muets (Le Cabinet du Docteur Caligari de Wiene, Faust de Murnau… ) qui, dans les années 1920, portèrent à l’écran êtres fantastiques, fous, monstres ou démiurges, représentés avec subjectivité dans toute la portée excessive ou irréelle de leur personnage.
En 1854, Jules Verne, alors âgé de 26 ans, signe dans Le Musée des Familles, une nouvelle intitulée « Maître Zacharius ou l’horloger qui avait perdu son âme. Tradition génevoise (sic) ». Figurant parmi ses rares écrits fantastiques, ce récit s’inspire de l’univers mystérieux et maléfique des contes d’Hoffmann ou de celui de Mary Shelley (Frankenstein) dont le jeune Verne est un lecteur friand.
Si vingt ans plus tard, ce texte a été revu et lissé par l’écrivain, la présente mise en scène a préféré retenir la fraîcheur de sa version d’origine, encore tout imprégnée des élans romantiques du jeune auteur et de son désir d’écrire pour le théâtre. Le texte, réduit pour être joué sur scène, n’est pas une adaptation mais plutôt le résultat de coupes effectuées dans le respect des mots de l’auteur et de sa grande maîtrise du rythme dramatique.
Véritable conte philosophique confrontant le matériel au spirituel, la magie noire et la superstition à la science, la finitude à l’absolu, le satanique au divin, Maître Zacharius se prête magnifiquement au jeu expressionniste des sentiments, des pulsions et des folies d’un homme, rejetant sa fragile condition de mortel. Dans sa panique devant la mort, son illusoire et orgueilleux désir de contrôler le cours du temps, Zacharius est prêt à tout pour rendre sa vie éternelle et donner la preuve de sa volonté toute-puissante. D’abord capable des plus purs élans de cœur, le vieil homme s’adonne, dans sa vertigineuse quête de savoir et de pouvoir, au plus abject des chantages affectifs et en oublie sa part humaine. A la fois génial et monstrueux, Zacharius est un frère de Faust. Ou quand vieillesse ne rime pas avec sagesse…
Par Dominique Versavel, Présidente de La Ronce Compagnie.
6, rue Pierre-au-Lard 75004 Paris