À peine les hommes sont-ils parvenus à s’adapter aux changements du monde, que le monde a déjà changé.
Bras écartés, ils volent. Lents et longs oiseaux humains. Quatre types, golden boys en costard cravate, cadres dynamiques, défient la pesanteur. Sur leur plan incliné, ils flottent. Puis les voilà juchés, comme nichés dans les interstices de la paroi, fenêtres ou corniches. Ils jonglent et les balles sonorisées par leurs rebonds créent une musique envoûtante. La géométrie prend corps et réciproquement.
Derrière le quatuor, les tableaux boursiers défilent. Les hommes choient, chutent, comme des cours en dégringolades. Le plan se redresse, devient un mur droit, où les acrobates continuent de se battre contre les lois de la gravité. Les voilà crashés, scotchés contre la paroi, soumis au Velcro géant. Les corps rebondissent comme les balles. Les hommes s’affrontent dans des scènes d’un kung-fu délirant.
Un rêve en vidéo prend toute la place, fantaisie aérienne. Et les êtres là-dedans dansent avec leurs ombres. Ils s’accrochent et volent, magnifiques oiseaux libres dans l’art réinventé de la voltige, du jonglage et du théâtre, art hybride né de combinaisons géniales. Les acrobaties ne cessent pas de surprendre et le jonglage de dévier les bonnes règles du genre, le cirque est à réinventer. Ils s’y collent.
Rêverie prodigieuse, Plan B est le deuxième volet d’un triptyque de la compagnie 111, entamé avec IJK et achevé avec Plus ou moins l’infini. Aurélien Bory et le metteur en scène new-yorkais Phil Soltanoff organisent ensemble une dramaturgie ténue et réinventent l’art du mouvement. Les créatures de la série des films Matrix rejoignent les tableaux de Magritte. Plan B, créé en 2003, aura fait le tour du monde pour devenir un théorème d’anthologie.
L’homme, créature à l’équilibre aléatoire, rêve de hauteurs dans un monde en mouvements. Il s’adapte mais le monde change plus vite que lui. À prévoir, des illusions totales et des pertes de certitudes chez tout spectateur normalement constitué.
Comment expliqueriez-vous le titre, Plan B ? Que signifie-t-il pour vous ?
Aurélien Bory : En 2003 année de création de Plan B, cette expression n’était pas aussi connue qu’aujourd’hui, elle était essentiellement anglo-saxonne, on l’entendait dans les séries, les polars ou les films d’actions. Ainsi en plus de sa signification, à savoir changer de plan quand ce qu’on a prévu a complètement échoué, le titre contient une autre dimension, liée à l’espace, à la géométrie qui est le point de départ de Plan B. Tout le spectacle repose littéralement sur un plan incliné. La dramaturgie s’est fondée sur ce principe physique, avec les moyens de l’acrobatie et du jonglage, puis s’est élaborée au cours du travail de recherche. Plan B était un nom choisi au départ, et il a révélé des sens multiples au cours de la création. Avec comme constante un rapport ténu à la gravité. Le théâtre est le seul art qui ne peut échapper aux lois de la physique, ainsi tenter d’échapper à la gravité, est l’impossible Plan B.
Y a-t-il une histoire dans Plan B ? Une trame, une narration à suivre ?
Phil Soltanoff : Oui, une histoire existe dans Plan B, mais elle se transmet visuellement et de façon sonore, c’est une histoire sans parole. L’histoire n’avait pas été décidée avant le début des répétitions. Elle a émergé plutôt tard dans le processus de création. C’est une histoire très simple, humaine et naïve – qui rappelle le mythe de Sisyphe : se trouver confronté à un problème, apprendre à y faire face, devenir efficace pour le surmonter, et le problème change... Continuer jusqu’à épuisement. Je pense qu’à un certain niveau, c’est une expérience partagée par tout le monde. De plus, une histoire abstraite permet à l’audience de s’y confronter de façon personnelle ; les spectateurs y entrent par le biais de leur propre grille de lecture, de leurs propres valeurs. Je pense que l’art devrait ajouter quelque chose au monde. C’est comme le Grand Canyon. Pas besoin d’être un érudit pour l’apprécier (bien que l’érudition puisse apporter d’autres éléments à l’expérience). On l’absorbe complètement, on l’intègre par le regard, l’ouïe, et par notre relation à lui. Il devient une fondation où ériger sa propre imagination.
Comment cette confrontation entre le théâtre et le cirque a-t-elle modifié votre façon de travailler ?
AB : Cette confrontation a fondé une démarche autour de la scénographie qui est encore à l’oeuvre aujourd’hui dans mon travail. La question de l’espace continue de m’animer, et mes derniers spectacles, Sans objet ou Géométrie de caoutchouc sont des prolongements de cette réflexion. C’est aussi tout le sens de la reprise de Plan B : donner à voir un point de départ, où les moyens du cirque sont animés par une vision plus large. Le travail avec Phil a été déterminant dans ce sens, nous nous sommes accordés de la plus belles des manières. Je voulais m’échapper du cirque, il voulait s’échapper du théâtre. Nous nous sommes croisés en plein milieu, en dehors des cadres.
PS : Je suis très admiratif des techniques du cirque, mais pas obligatoirement du cirque vu comme un art. J’ai l’impression que ça n’exige pas assez de ma part, ni de la part du public. Mais les compétences techniques sont indiscutables : soit vous êtes capables de maintenir sept balles en l’air, soit vous ne le pouvez pas ; soit vous pouvez exécuter un saut périlleux, ou vous échouez. Cet aspect factuel indéniable est absolument séduisant. Je pense qu’Aurélien ressentait la même chose et notre rencontre a été un moyen de discuter de nos observations au travers du langage de notre travail : la création d’un spectacle. Nous avons traversé beaucoup d’aventures depuis Plan B, mais elles sont toutes restées fidèles à ce procédé déclenché par notre collaboration : simplement laisser les choses et nos relations à ces choses révéler leurs mystères. Ne pas se précipiter, ni tirer des conclusions hâtives, mais simplement laisser les choses dévoiler leur magie. Et prendre le temps de découvrir ces qualités. Un autre atout majeur du cirque est la notion de plaisir. C’est une merveilleuse expérience d’assister aux prouesses d’un circassien, et c’est toujours un plaisir. Comment est-ce que cette sensation prend part à un travail sérieux ? Et je ne veux pas dire « sérieux » au sens affectif – comme sinistre, par exemple. Mais comment une exploration propulsée par les prouesses du cirque peut être envisagée dans le cadre d’un questionnement artistique. Voilà ce qui m’intéresse.
Propos recueillis par Pierre Notte
« Moment de magie sur fond de ciel étoilé. Voltige virtuelle, en écho à d’autres passages enchanteurs de ce spectacle plein de grâce. » Aden-Le Monde
« L’esprit se régale autant que les yeux du graphisme inédit des corps plaqués au sol, à la différence près que ce sol est vertical, d’une inclinaison variable, et qu’ils y rebondissent… » Les Inrockuptibles
Vu aujourd'hui au théâtre de Cachan... C'est juste génial! Bravo notamment pour l'idée du plan incliné, qui permet de voler dans l'espace au ralentis, bravo pour l'idée du sol filmé et reprojeté à la verticale, pour les cascades à deux qui permettent de marcher dur les murs... que des rêves d'enfant (garçon?) qui se réalisent!!! Plein de trouvailles, et des acteursd authentiques, physiques, acrobates, magnifiques. Bravo les gars, et merci!! En espérant vous revoir dans d'autres scenarios à l'avenir...
Vu aujourd'hui au théâtre de Cachan... C'est juste génial! Bravo notamment pour l'idée du plan incliné, qui permet de voler dans l'espace au ralentis, bravo pour l'idée du sol filmé et reprojeté à la verticale, pour les cascades à deux qui permettent de marcher dur les murs... que des rêves d'enfant (garçon?) qui se réalisent!!! Plein de trouvailles, et des acteursd authentiques, physiques, acrobates, magnifiques. Bravo les gars, et merci!! En espérant vous revoir dans d'autres scenarios à l'avenir...
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