Malgré son entrée dans l’espace public des concerts parisiens dès 1814 (sous l’impulsion de Pierre Baillot), le quatuor à cordes français reste fortement marqué jusqu’à la fin du Second Empire par le caractère semi-privé de la plupart des réunions auxquelles il est destiné. Rassemblant professeurs et amateurs, il fait briller la virtuosité des uns (en premiers violons) et se tient à la portée des autres, ne leur offrant souvent qu’une partie d’accompagnement. Reicha, dès 1816, s’amuse de ces « séances » où l’on débute l’exécution des oeuvres avant même que tous les instrumentistes ne soient en place… L’influence de la musique de chambre germanique pousse néanmoins les compositeurs français – à l’image des quatuors écrits par Félicien David à l’extrême fin de sa vie (1868-1869) – à quitter le genre du « quatuor brillant » pour proposer des pièces où les différents instruments dialoguent sur un pied d’égalité.
Au programme :
Antonin Reicha : Ouverture générale pour les séances des quatuors
Louis Emmanuel Jadin : Quatuor n°2 en fa mineur
Félicien David : Quatuor n°3 en ré majeur
Pour la deuxième année consécutive, le Palazzetto Bru Zane prend ses quartiers d’été au Théâtre des Bouffes du Nord, pour une plongée dans la musique française du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle, dont la diffusion est au cœur du projet du Centre vénitien. En grande partie méconnu, ce répertoire constitue le terreau fertile et foisonnant sur lequel pourront éclore les chefs-d’œuvre impérissables de Franck, Debussy ou Ravel… Après le piano l’an passé, c’est sur la musique de chambre que le coup de projecteur est donné cette année. Grand spécialiste du sujet, c’est le Quatuor Mosaïques qui ouvrira le bal, avec le provençal Félicien David, qu’il a largement contribué à exhumer depuis quelques d’années, le français Louis-Emmanuel Jadin et le tchéco-parisien Anton Reicha.
Le Trio Wanderer prendra la relève, avec un vaste panorama du trio français de Saint-Saëns (Trio op. 18, 1864) à Pierné (Trio, 1922), en passant par Ravel (Trio, 1914… De même, le Quintette pour piano et vent du très franckiste Albéric Magnard répondra à celui, op. 16, du grand Beethoven lors du concert que donnera la fine fleur des vents français — Philippe Bernold (flûte), Olivier Doise (hautbois), Philippe Berrod (clarinette), Julien Hardy (basson) et Hervé Joulain (cor) —, avec Jean-Efflam Bavouzet au piano.
Ce festival est l’occasion idéale de revenir sur les prestigieuses écoles françaises (ou, plus justement, franco-belges) du violon et du violoncelle, écoles qui ont largement dominé leur époque, et qui, aujourd’hui encore, sont les plus largement enseignées.
Rappelons par exemple que c’est un violoncelliste belge, Auguste Adrien Servais, qui a introduit la pique dans les années 1830, et que c’est le virtuose française Auguste Franchomme qui en a popularisé l’usage. Aujourd’hui encore, la scène française du violoncelle compte dans ses rangs les meilleurs éléments, dont font indéniablement partie François Salque, Xavier Phillips — et nul doute qu’ils seront bientôt rejoints par la jeune Honorine Schaeffer… Quant à l’école franco-belge du violon, elle nous a laissé, à la suite de la fameuse Sonate de Franck, quelques pages d’anthologie, dont Nicolas Dautricourt et Dana Ciocarlie interprèteront un florilège. Un programme hautement « poétique » puisque la mode était alors aux Poèmes : ceux de Chausson, Canteloube ou Ysaÿe
En guise de bouquet final, le Palazzetto Bru Zane invite les solistes du Cercle de l’Harmonieet six chanteurs français de la jeune génération, pour une représentation exceptionnelle du Saphir — opéra comique composé par Félicien David en 1865, d’après la comédie Tout est bien qui finit bien de Shakespeare.
37 bis, bd de la Chapelle 75010 Paris