Rukmini Chatterjee - Ardhanarisvar

L’union des opposés
Pensées autour d'Ardhanarisvar

• L’union des opposés

Issue d’une famille bengali, Rukmini Chatterjee, chorégraphe et danseuse de Bharatanatyam, s’installe à Paris en 1990. Dès lors, elle conçoit son art dans un esprit d’ouverture vers d’autres cultures et d’autres formes d’expression, en participant notamment au spectacle Anokha d’Accrorap, qui mêle danse indienne et danse hip hop. 
Avec Ardhanarisvar, qui symbolise l’union des opposés, la chorégraphe réunit trois danseurs, deux chanteurs et trois musiciens pour une rencontre entre la danse, la musique et les arts martiaux traditionnels indiens.

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• Pensées autour d’Ardhanarisvar

"Étant chorégraphe et danseuse indienne, je puise dans mes traditions artistiques millénaires pour en extraire ce qui est pour moi "l’essentiel" de ces formes d’art, pour exprimer ma vérité d’artiste d’aujourd’hui. 
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je ne me contente pas seulement de perpétuer à la lettre ces arts religieux très codifiés.

Aujourd’hui je sens un très grand fossé entre ces arts et la société qui m’entoure. Les mythologies, les dieux et les rituels fortement liés à ces formes d’art n’ont plus une vérité dans ma vie, ni dans ma pensée de tous les jours. La danse est pour moi une expérience. J’ai donc beaucoup de mal à faire vivre dans mon environnement parisien Shiva ou Krishna, les divinités liées au Bharatanatyam, dans leurs formes restreintes et codifiées. 

Par contre, ce qui est pour moi "l’essentiel" dans ces pratiques artistiques, la spiritualité, l’énergie, la discipline, la rigueur, le développement d’un thème dans le temps et l’espace, la sacralité du lieu, les recherches sur les émotions, la quête universelle de l’homme pour se connaître, sont des piliers de mon existence artistique. Je suis aussi très influencée par la pensée artistique indienne, qui ne croit pas à l’originalité. Je pense que chaque idée, chaque sentiment, existe déjà quelque part dans l’univers depuis la nuit des temps. C’est le vécu et l’expression individuelle, qui lui donne sa valeur et son originalité.

Le grand défi de ce type de travail est de trouver l’équilibre entre une corporalité et une pensée traditionnelle très riche et la réalité de nos vies d’aujourd’hui. L’artiste doit être capable de capturer l’essence de cet esprit artistique millénaire et de lui donner ensuite une forme qui parle au public d’aujourd’hui sans trahir l’essentiel. Ce défi est encore plus grand car ces chemins expérimentaux n’ont pas été empruntés très souvent et donc des références artistiques et intellectuelles manquent.

Ce spectacle représente, pour moi, un passage de la tradition à la contemporanéité. L’essence et l’esprit viennent de la tradition, mais la forme est contemporaine. C’est peut-être aussi la démonstration d’une manière d’aborder le défi culturel qui se présente à l’Inde moderne en pleine mutation.

Toute œuvre suppose une réflexion, des comparaisons, des erreurs, des hésitations, des recommencements. Dans ce travail artistique vivant, nous aborderons chaque jour la répétition, en mettant à l’épreuve les découvertes de la veille."

Rukmini Chatterjee

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