Terres !

A l’origine de ce choix, il y a l’intérêt pour l’être humain et les éléments fondateurs de sa personnalité. J’ai une sorte d’idée fixe sur les « origines », c’est peut être pour ça d’ailleurs que je fais du théâtre, interroger constamment les contradictions qui naissent entre la mémoire et le présent, les bases de l’Etre et l’instinct d’évolution.

Le jour où j’ai rencontré le texte de Lise Martin, j’ai eu la sensation rare d’être face à ce que je recherche continuellement et qui est indispensable pour la vie d’un Théâtre universel, intergénérationnel, qui parle aux fondations du bâtiment de nos âmes.

J’ai retrouvé dans ce texte une résonance évidente avec d’autres créations de mon parcours : Frères de sable, Robinson & Crusoé, Terre Promise, Theatron, par exemple, dans lesquels l’histoire et/ou la situation proposés posaient les problèmes de fond : le conflit entre les êtres humains pour vivre ensemble, pour partager un territoire ou le désir de l’Autre et la peur de celui-ci.

Dans Terres ! de Lise Martin, j’ai retrouvé tout ça mais traité avec une légèreté profonde qui m’a fait aimer tout de suite les cinq personnages. Peut-être parce que le regard vers l’humanité de Aride, Kétal, l’Autre, Neige, Mademoiselle Zéphir, Madame Mue et l’Homme, est un regard lucide mais sympathique, presque à nous dire que malgré la critique, on pourrait tous se reconnaître. Voilà, se reconnaître. Voilà l’universalité du propos et de ces personnages. J’imagine une atmosphère solaire, avec des nuits étoilées, un carré de terre bercé par le vent et des lumières chaudes.

Un Aride qui avec Kétal forment un couple mythique : Don Quichotte et Sancho Panza, Don Juan et Sganarelle, le clown blanc et le clown rouge… Une comédienne légère et profonde qui, avec son jeu puisse nous transmettre le regard de tous ceux qui ne s’attachent pas, qui ne veulent pas « la propriété privée » et qui, avec leur idée de l’amour, nous donnent une piste d’espoir. Le comédien qui jouera les deux « AUTRES » devra nous communiquer la joie et le désespoir de tous ceux qui sont condamnés à revendiquer quelque chose qui leur appartient… tout en sachant que le Monde, les Terres sont les propriétés de l’humanité…

J’aimerais faire « sonner la musique » de ce texte avec le rythme drôle de certaine scène du cirque, avec l’abstraction des dialogues du Théâtre de l’absurde, la poésie légère et dense des dialogues d’amour.

Nino D'Introna

Texte original publié aux Editions Lansman.

• Un cheminement

Péniblement, Aride et Kétal cheminent vers la terre inconnue qui leur est promise. Car Kétal a acheté un bout de désert qui les attend au pied d'un arbre mort… sans se soucier le moins du monde du sort de ceux qui vivaient là précédemment. La seule chose qui compte à ses yeux, c'est l'acte de propriété qu'il tient en main. Mais bien évidemment, tout ne se passera pas comme il le souhaite. D'autres arrivent, porteurs du même titre de propriété que leur ont remis les anciens, ceux qui ont été chassés des maisons dont il ne reste plus aujourd'hui que quelques ruines. Comment régler ce différent ? Faire appel aux armes et à la terreur, ou tenter de trouver par le dialogue une solution acceptable par tous ?