Oeuvre
Eclats d'humanité
Collection de souvenirs
"Ecrire est pour moi la continuation du jeu de comédienne, des exercices d'improvisation sur un personnage. On le prend pour soi, du coup histoire et décor viennent d'autorité se mettre en place, puis les choses en dessous montent, racontent ce qui est caché , comme une lanterne chinoise qui révèlerait émotions, péchés, qualités et défauts..."
Née le 19 juillet 1946, Ivane Daoudi, élève au Théâtre National de Strasbourg puis comédienne, commence à écrire vers l'âge de trente ans avec un succès immédiat, pour le théâtre (plus de 30 pièces), la télévision et le cinéma.
On retiendra :
1977 Mise en scène de La Star des Oublis par Hélène Vincent au Petit-Odéon
1978
Mise en scène des Thermes Vénitiens par Pierre Romans à l'Athénée
1983 Lecture de My Sweet Destiny au Théâtre Essaïon
1987 Le film Les Montagnes de la lune est réalisé par Paolo Rocha.
1990 Mise en scène du Chant du Départ par Jean-Pierre Vincent au CDN de Nice puis au Théâtre de la Ville (Paris). Edition de la pièce La Bicyclette de l'an neuf chez Actes Sud Papiers
1994 Le 11 septembre : décès d'Ivane, elle avait 48 ans.
1995 Création au Festival d'Avignon de Teltow Kanal, m.e.s. Claude Yersin pour le Nouveau Théâtre d'Angers
Une grande période de douceur, texte inédit, écrit en 1977, fait partie des premières pièces d'Ivane.
Ivane Daoudi écrivait parce qu'elle ne pouvait pas faire autrement. Irritée, enthousiaste, active, rêvant d'échapper à l'esclavage qu'elle s'était donné pour s'y attacher encore davantage, le mettant à profit. (...).
Ivane Daoudi écrivait pour vivre. Pour capter de petits éclats d'humanité, posant le doigt sur des douleurs dites exquises et un regard sagace et sarcastique sur les lourdeurs des relations à deux, sur le dialogue empêtré qui encombre nos jours, sur les prétentions d'un occident borne et les folies intolérantes d'un orient en mal d'identité. D'abord vivre, ensuite écrire : Ivane Daoudi écrivait vite, vivait vite à l'instant de chaque rencontre. Mille idées à la minute, dix conquêtes d'amitié par jour, perdues parfois très vite pour faute grave contre le goût ou manquement aux lois non écrites du respect humain, retrouvées presque aussitôt en toute vitalité et générosité. Et des milliers de pages, vives, saisies sur l'instant, attrapées sur l'épaule de l'autre comme on enlève délicatement un cheveu tombé.
Ivane Daoudi vivait de sa plume. Merveilleusement, pour le charme, le goût violent de vivre, la séduction. Très mal financièrement. Les loyers s'accumulaient, la banque criait au rouge. (...).
Ecrire pour vivre, écrire parce que c'est la vie : un peu pour se consoler, beaucoup pour attraper le monde par la peau, l'effleurer, la caresser, la griffer légèrement, et se souvenir que l'être humain n'est pas uniquement appesanti de terre et d'eau, mais aussi aspiré par l'air et par le feu. Il y a de la pudeur et de l'élégance dans la légèreté.
Ivane écrivait en actrice une langue en attente de la parole et du corps, et aussi de l'imaginaire. Une langue qui vous impulse son rythme, original, moderne, sa mélodie nue ouverte sur de petites dissonances ; une écriture inachevée, très personnelle, où s'inscrivent la main vivante de l'auteur-artisan et la hâte de la femme pressée. Il y a là-dedans la part d'énignme subtile qui fait un véritable auteur. Ivane est morte jeune, consumée à sa propre ardeur. Certains l'ont crue sorcière, c'est qu'ils n'ont pas connu son talent à choisir les meilleures confitures de Paris, de vrais beaux légumes, une merveilleuse librairie, et à travailler, travailler, jusqu'à épuisement.
Christine Friedel
Son cheveu sur la langue, sa rousseur, un tailleur clair qu'elle avait étrenné un matin de juin et le gros ordinateur, ronronnant sur sa table encombrée d'un fatras de livres dont beaucoup en anglais, que son chat turbulent et jaloux escaladait pour attirer l'attention. Elle-même s'était mise à tenir du chat. Des fois un peu sauvage, renfermée au sens propre. L'après-midi, on sonne. Elle ouvre. En peignoir, pas coiffée, dormant debout. On repassera.
Plus tard, elle vous appelle, la voix lumineuse, intarissable. Viens, j'ai des amis à te présenter. On vient donc. Champagne pour tout le monde. Une longue soirée de tout et de rien. On bavarde. On rit. J'ai toujours eu la conviction qu'Ivane était au centre invisible d'un réseau international d'amitié dont elle seule tenait les fils. On parle d'Ava Gardner et elle vous décrit son appartement londonien (...). Un peu mythomane, Ivane ? Aujourd'hui encore, je ne sais. Et quand bien même, cela ajoute au charme de l'improbable. (...).
J'aime Ivane pour cette aura d'incertitude qui entoure ses faits et gestes, pour ses petites colonies affectives dont elle joue parfois à faire se croiser les éléments (un cinéaste Khirghize rompant le pain avec une comédienne italienne belle à couper le souffle) ; pour son élégante familiarité de princesse pauvre du quartier du Palais Royal. (...). Elle écrit nuit et jour, théâtre, chansons, feuilletons radio, scénarios de films. Petit soldat de l'imaginaire à sa machine d'écriture, elle s'échine à trouver sa pierre philosophalc poétique (...).
La nuit, très tard, il n'y a dans la rue que sa fenêtre d'allumée. Chaque fois, cela m'émeut aux larmes. (...). Moi je l'y vois toujours.
Jean-Pierre Léonardini
Cet(te) artiste n'est pas lié(e) en ce moment à un spectacle.
Théâtre du Marais, Paris
Théâtre Darius Milhaud, Paris
Vingtième Théâtre, Paris
Comédie des 3 Bornes, Paris