C'est un goût prononcé pour le risque qui caractérise le parcours musical de la bassiste Joëlle Léandre. Bien que d'origine modeste (son père était cantonnier, et elle se plaît à dire qu'il a fait les routes qu'elle arpente aujourd'hui), elle s'adonne à la musique très tôt, vers neuf ans.
Il fallait bien trouver des élèves pour cet instrument ! ironise-t-elle en pensant à son passage par le conservatoire d'Aix. Finalement, ce qui l'attire au point qu'elle succombe à son charme, c'est le son de la contrebasse, son corps, sa verticalité, sa présence. Sa richesse et sa profondeur me captivaient comme la difficulté même d'aller chercher les sons sur cet instrument. C'est qu'elle est grande la boîte à fouiller dit-t-elle d'un air entendu.
Sa vie est pavée de rencontres qui s'échelonnent depuis le début des années 80 avec des musiciens pour qui expérimenter et partager est un art de vivre, des rencontres qui expriment la diversité de ses influences musicales : John Cage, Giacinto Scelsi et Derek Bailey par exemple. John Cage m'a fait écouter le monde autour de moi. Laisse le son être ce qu'il est m'a-t-il dit. Il m'a ouverte à une infinité de possibles que je continue à explorer aujourd'hui.
Les prix, le conservatoire, la formation à la lecture et à la musique d'orchestre, sa participation à de prestigieux ensembles comme Itinéraire, 2E 2M ou l'Ensemble Intercontemporain de Pierre Boulez auraient pu la convertir à la pratique exclusive d'une musique plus ou moins académique. Au lieu de ça, elle a choisi de jouer au quotidien avec des musiciens passés maîtres dans l'art d'improviser.
La musique, c'est un langage. J'ai joué pendant vingt ans de la musique classique, contemporaine, lu des centaines de partitions, de structures et de formes complexes avant de comprendre que ce qui nous transforme et nous transcende, c'est tout simplement deux sons mis en mouvement qui peuvent nous parler du find fond des temps.
Les amis qu'elle a choisis sont ainsi ceux qui ont participé à sa volumineuse discographie amorcée avec Taxi : Maggie Nichols, Irène Schweizer, Annick Nozati, Lauren Newton (beaucoup de femmes, donc), mais aussi Lol Coxhill, Anthony Braxton, William Parker et des centaines d'autres. Avec eux, elle se consacre à l'exploration du son : Le son, c'est l'individu, toute son écorce, ce par quoi il passe ou doit passer, ses accidents et ses incertitudes, ses gloires et ses chambres où l'on attend, seul et fou d'aimer, de monter sur scène, et de dire.
Toujours en alerte, Joëlle Léandre n'oublie jamais l'urgence à dire, meilleur remède face à la rouille qui s'immisce quand la vigilance se relâche. Vous savez, prendre la parole est important. Les femmes ont peu de modèles, d'idoles. Nous avons par contre la lourdeur d'une histoire à porter où les femmes n'étaient que muses, murées en tableaux ou en poèmes. Aujourd'hui, Joëlle Léandre reste toujours en vibrations comme elle aime à se qualifier : de tout ceci, d'ailleurs, un remarquable ouvrage qui retrace sa carrière témoigne désormais.
Cet(te) artiste n'est pas lié(e) en ce moment à un spectacle.
Atelier du Plateau, Paris
Bouffes du Nord, Paris
La Dynamo de Banlieues Bleues, Pantin
Lavoir Moderne Parisien, Paris
Théâtre de la Bastille, Paris
Théâtre de la Bastille, Paris