Ràmon del Valle Inclan fut lun des plus brillants écrivains espagnols de son temps. Disparaissant derrière dénormes lunettes et sa fluviale barbe blanche, flottant dans une ample cape qui dissimulait mal sa maigreur, manchot comme Cervantès, tapi derrière une table de café littéraire, il distillait en phrases étincelantes les impertinences les plus acides.
Sa trajectoire idéologique le conduisit dun traditionalisme idéalisé à des prises de position révolutionnaires.
Quand il commença à écrire pour le théâtre, il y fut poussé par ce goût du dialogue, cet instinct de raccourci, ce désir de présenter au public des êtres étranges que ses livres contenait déjà.
Son uvre dramatique très originale contribuera, avec celle de F. Garcia Lorca, à donner au théâtre espagnol un éclat remarquable. La Galice natale de Valle Inclan revit dans ses premières pièces. Cest un monde rural violent et brutal, accablé de misère, peuplé de personnages inquiétants et dégénérés. Cet univers halluciné revit dans les Comédies Barbares, pièces dune extraordinaire intensité dramatique, au style brutal et étincelant.
Les farces et les drames écrits entre 1909 et 1920 offrent laspect chaotique et disparate cher à lauteur, qui donne à ses uvres une tonalité singulière de rêve ou de cauchemar : La Farce Enfantine de la Tête du Dragon, Conte davril, LEnsorcelé. On trouve aussi des personnages de la comedia dellarte, de la comedia du Siècle dor espagnol ou de la comédie galante française qui se mêlent dans La Marquise Roselinde (1913), farce sentimentale et grotesque au lyrisme grinçant.
En 1920, son inspiration prend une nouvelle orientation avec La Farce italienne de lamoureuse du roi, qui fait des personnages de ridicules marionnettes. Puis, il écrira La Farce de la Reine chaste et pure, qui annonce la cruelle satire du règne dIsabelle II, et qui sépanouira dans la trilogie Larène Ibérique (1927-1932).
Puis viendront ensuite : Divines Paroles, (exacerbation de lunivers sordide et démoniaque de Comédies Barbares), Lumières de Bohême, peinture des bas-fonds madrilènes, et parabole dérisoire de lEspagne. Selon lappellation de lauteur, il sagit dun esperpento, cest-à-dire dune déformation grotesque de la réalité et des êtres destinée à transporter le spectateur au-delà du rire et de la douleur, jusquà les choquer, et les faire réagir. Viendront ensuite, parmi ses uvres, Mardi de Carnaval, trilogie iconoclaste et sans pitié à légard des institutions, et enfin, Le Retable de la luxure, de lavarice et de la mort.
Au-delà des conventions esthétiques de son époque, Valle-Inclan, partisan dun théâtre à la scène multiple, influencé par le cinéma, au mépris des goûts convenus du public ou de tout conformisme, a créé une uvre dramatique puissante et très originale. Il représente lextrême pointe du génie baroque, le tenant de lart pour lart, le ciseleur raffiné dune langue à laquelle il insuffla une harmonie ineffable, qui savait mieux que personne ajouter des douceurs inconnues au castillan et flageller dune plume acérée les grotesques de son Espagne blessée.
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Théâtre 13 - Bibliothèque, Paris
Café de la Danse, Paris
L'étoile du nord, Paris