Résumé
Note d’intention du metteur en scène
Le théâtre du Caramel Fou
Théâtre tout public à partir de 7 ans. Un spectacle produit par le Théâtre du Caramel Fou – Cie Jean-Luc REVOL
Valle-Inclan convoque pour nous l'univers de nos contes d'enfant : princesse, prince, roi, reine, un fou, un dragon, des méchants, un château, une forêt magique... Et une fois ce petit monde rassemblé, il nous raconte son histoire...
Un Dragon rugit aux portes du royaume pour qu'on lui livre l'Infante en pâture. Le prince Vertemer est secrètement amoureux de l'Infante, et décide de tuer le Dragon. Grâce à l'anneau magique que lui donnera un lutin, le prince pourra affronter le monstre, armé d'une épée de diamant...
... Je fus intrigué, puis conquis par ce texte destiné aux enfants, mais dont les résonances (critique de l'ordre établi, insolence du ton...) pouvaient aussi bien intéresser un public adulte, qui saurait lire entre les lignes de l'histoire.
Jean-Luc REVOL
Note d’intention du metteur en scène
La farce enfantine de la tête du dragon de Ramon del Valle Inclan sera un spectacle tous publics à partir de sept ans. Un spectacle léger, une petite forme, susceptible de se jouer dans divers lieux : théâtres, plein-air ou dans des salles départementales moins adaptées, dans un souci de décentralisation.
J’ai voulu, dans un premier temps, privilégier le jeune au travers d’un texte (un conte) à double lecture, où les enfants verront un conte merveilleux et les adultes, une fable politique.
La tête du dragon renvoie à un conte populaire La viande et le sel, à Tristan et Iseult et à quatre contes de Grimm.
Ici, le grotesque a une fonction de satire, de dénonciation. La tête du dragon en présente déjà les traits caractéristiques : cette farce oppose le monde de la cour à l’auberge cervantine, les courtisans sont des marionnettes et les plus hauts dignitaires sont clairement rangés dans le monde picaresque. Le roi ne déclare-t-il pas que le spadassin pourrait être l’un de ses pairs et de ses ducs, qu’il pourrait être le tronc d’une noble lignée puisqu’il " règne " sur les montagnes de son royaume ?
Par ailleurs, la subversion du conte de fées qu’est La tête du dragon permet à Valle-Inclàn de faire que la monarchie et ses institutions côtoient un monde picaresque et un monde merveilleux qui sont autant de niveaux par lesquels passent les personnages, ainsi dépouillés de leur masque. La réduction des dignitaires au rang de marionnettes permet également de créer un univers dramatique qui a pour mission la dévalorisation systématique des personnages. Les éléments hétérogènes du conte sont ici les réalités politiques, économiques et sociales introduites par Valle-Inclàn pour situer clairement son œuvre dans l’actualité des années 1909-1910 ( famine, émigration, anarchisme ), et provoquer un impact sur les spectateurs et les lecteurs.
L’animalisation des personnages, le roi Micomicon ( littéralement Triple Singe ) par exemple, l’animation de la couronne qui se met à danser lorsque la reine est prise de hoquet, la réduction du cortège qui va livrer l’infante au dragon à des marionnettes, l’introduction de références littéraires manipulées, la façon de décrire les personnages dans les didascalies appartiennent déjà au grotesque. La façon de constituer des plans, des groupes sociaux permet une classification apparente qui, comme plus tard dans La fille du capitaine, se décomposera avec l’enlèvement des masques. Le jeu entre la réalité et les apparences, fondamental dans La Farce et licence de la reine olé olé était déjà présent dans la première farce.
Valle-Inclàn continue donc à nous apparaître comme le dramaturge rénovateur et rebelle, toujours à la recherche de formes nouvelles pour son théâtre, un théâtre fondé sur la forme dialoguée qui a toujours été sa forme naturelle d’écriture. La conversation des didascalies permet d’incruster le dialogue entre deux présentations de personnages et de décors, souvent conçus comme des tableaux, entre deux commentaires ou deux jugements.
Petite histoire
Lorsque je lus les Comédies Barbares, je fus tout de suite séduit et intrigué par l’univers de Ramon del Valle Inclan. Voulant en savoir un peu plus, je découvris qu’il avait écrit d’autres pièces, dont des " farces ", qui étaient introuvables, car n’étant plus éditées. Le hasard ( qui fait parfois fort bien les choses ) me fit trouver chez un bouquiniste un exemplaire bilingue de La Farce enfantine de la Tête du Dragon. Bien que d’une toute autre veine littéraire et poétique ( que les comédies ), je fus également intrigué, puis conquis, par ce texte destiné aux enfants, mais dont les résonances ( critique de l’ordre établi, insolence du ton etc. ) pouvaient tout aussi bien intéresser un public adulte, qui saurait lire entre les lignes de l’histoire.
La magie
Lorsque j’abordai la mise en scène de la Tempête, je me suis beaucoup penché sur le fantastique et le merveilleux, et quels pouvaient être leurs échos, aujourd’hui, chez le spectateur. C’était un merveilleux frelaté, fait de mirages (souvent de pacotille), destiné à " épater ", plutôt qu’à transformer profondément l’âme ou l’esprit. C’était une magie compliquée (à dessein), proche de l’alchimie, servant des désirs et des vengeances retenues durant des années.
Ici, point de tout cela. Valle Inclan opte pour la forme du conte, de la farce, et tout cela implique un discours direct à destination du spectateur. Les personnages sont évidents, leurs discours aussi, nets, précis.
Il convoque pour nous tout le bestiaire à fantasmes de nos contes d’enfant : une princesse, un prince, un roi, une reine, un fou, un dragon, des méchants…les place dans des lieux, eux aussi " balisés " : un château, une forêt magique etc.. Et une fois tout ce petit monde assemblé, il nous raconte son histoire… Où l’on verra, par exemple, que les rois ayant perdu de leur pouvoir, ont aussi perdu le goût de la chair fraîche et sont devenus végétariens ! que l’ambition mène au fouet, ou que les infantes d’Espagne ne sont plus les douces jeunes filles d’antan…
Il joue avec la structure même de son histoire, la déforme, pour mieux nous en faire sentir la jouissance et les limites.
Mais il convient tout de même de raconter une fable à destination des enfants, avec un prince, une princesse et un mariage à la clé, sans sombrer dans l’académisme et le convenu. De réussir une synthèse, non seulement sur le plan technique, mais aussi au cœur du vivant du drame ou de la farce.
La libre fantaisie, le rêve, le conte de fée s’unissent ici à la plus vive satire des mœurs et de la société contemporaine. Et c’est un plaisir (qui devra se faire partager) de voir comment l’esprit rieur de Valle Inclan, à la fois féroce et badin, se plaît à la vraie tendresse, celle qui ne dit pas son nom. Un profond amour des hommes se dissimule sous la pointe acérée. Un sens aigu de la modernité rejoint, dans la caricature volontiers grotesque, le vœu ardent de voir paraître un monde où le bonheur d’être homme n’est pas qu’un prétexte à la dérision.
Le décor / la scénographie
Le spectacle devra pouvoir être joué aussi bien en salle qu’en plein air, et aussi bien dans des salles équipées ou non. D’où le parti pris d’une structure autonome, sans recours aux cintres, ni dessous, ni dégagements. Tout se fait " à vue ".
Il est en effet important que le spectateur voit le spectacle (la " magie " du spectacle) se fabriquer sous ses yeux. Même si Valle Inclan a souvent recours dans son théâtre à des images très cinématographiques, nous avons envie de faire un retour vers un théâtre " à l’ancienne ", qui a recours à des artifices, des " trucs ", des astuces de théâtre, et que ceux-ci se fabriquent devant lui. De là devra naître la poésie de la magie.
Les costumes
Ils emprunteront à différentes formes de la tradition du conte. Ce sera un mélange de styles, d’époques, et d’interprétations de l’univers des elfes et autres gnomes tels que nous pouvons les trouver dans la culture celtique ou les aventures fantastiques d’autres pays. Certains seront créés de toutes pièces, d’autres seront le produit de différentes récupérations assemblées dans un joyeux délire.
La musique et l’environnement sonore
De nombreuses ambiances sonores seront créées (forêt magique, jardin du roi, apparition du dragon…) de manière à stimuler l’imagination du spectateur. Elles ne devront être ni agressives, ni souligner le spectacle, seulement l’accompagner. On pourra même dans certains cas, créer un environnement olfactif (scène de l’auberge).
Jean-Luc Revol
Le Théâtre du Caramel Fou (T.C.F.) a été créé en 1986 en Bourgogne par Jean-Luc REVOL. Il est toujours ancré dans cette région, et plus particulièrement à Nevers (Nièvre) où la compagnie est en résidence à la Maison de la Culture depuis 1999.
Autour d’une cellule permanente, la compagnie s’oriente tout d’abord vers des textes contemporains avec Side Car et Pacific-Champagne de Jean-Luc Revol en 1986-87, puis Une Station-Service de Gildas Bourdet en 1987, et enfin Chambres de Philippe Minyana, et Docteur d’après L.S. Saavedra en 1990.
Plus tard, à l’occasion des Rencontres Charles Dullin, le T.C.F. créera un monologue Ciné-Mondes de Jean-Luc Revol en 1994.
A partir de 1991, celui-ci s’oriente vers une recherche autour d’œuvres méconnues d’auteurs illustres dont le Théâtre de Foire de Lesage en 1991 et La Princesse d’Elide de Molière en 1992.
Parallèlement, Jean-Luc Revol entame un long travail autour de Marivaux. Ce seront Le Petit-Maître Corrigé en 1991, L’indigent Chevalier d’après des textes de sa correspondance et des ses journaux en 1992, et enfin, L’Heureux Stratagème (Nevers, Avignon, L’étoile du nord -ex Dix-Huit Théâtre- Paris, Comédie des Champs-Elysées) en 1994.
Dans un souci de s’ouvrir à un public plus large, la compagnie a également fait une incursion vers le théâtre musical avec Le Plus Heureux des Trois de Labiche (Nevers, L’étoile du nord -ex Dix-Huit Théâtre- Paris) en 1993.
En 1995-96, elle crée son premier texte de répertoire La Tempête de William Shakespeare en 1997, en co-production avec le Théâtre National de Marseille La Criée.
C’est de nouveau grâce à la confiance de Gildas Bourdet et de La Criée que la compagnie monte en 1999 Les Trente Millions de Gladiator d’Eugène Labiche, comédie mêlée de couplets empruntés à Jacques Offenbach (Nevers, Paris – Théâtre de la Madeleine et en tournée)
Note du traducteur
Inspirée de quatre contes de Grimm et truffée d’emprunts à Cervantès et à Tristan et Iseut, la " Farce " de Valle Inclan nous plonge dans le monde merveilleux des lutins et des puissances magiques, où un prince chevaleresque sauvera sa bien-aimée et son royaume des menaces d’un terrible dragon.
De quoi charmer d’emblée l’enfant qui sommeille en tout spectateur de théâtre.
Mais, nous le savons, toute farce, dans sa forme comme dans son fond, est par essence transgressive. On ne saurait donc réduire celle-ci à une innocente féerie pour enfants. Sous l’apparente ingénuité de son indétermination temporelle, la fable devient satire en faisant écho à l’Espagne de notre auteur, celle de la fin du XIXème siècle et du début XXème : la monarchie y est brocardée, l’armée ridiculisée, l’aristocratie moquée.
Hétérogénéité des styles et mélange des genres découvrent ainsi un monde où la magie du sortilège voisine avec le grotesque du carnaval : y passent des pantins ubuesques, des masques de commedia et des monstres de légende.
Les animaux prennent forme humaine, les hommes deviennent bêtes, les objets mêmes semblent s’animer.
Et dans le mélange de la préciosité du geste et de la rusticité des manières, de la délicatesse de la phrase et de la familiarité du langage, nous reconnaissons la grâce d’un Watteau et l’âpreté d’un Goya.
Marie-Christine Letort
16, rue Georgette Agutte 75018 Paris