"C’est fou comme les clichés sont tenaces, comme ils s’impriment tels des tatouages. Prenez Yves Duteil. Vous croyez encore le voir en troubadour éternel et rêveur assis sur la rambarde d’un petit pont de bois à fredonner une tarentelle le soir à la veillée ?

Certes, l’image a existé. Elle a même conquis plus d’un million d’acheteurs. Mais c’était du temps du troisième album du chanteur, dans les années 70, c’est-à-dire une éternité. Cela fait belle lurette que, depuis, Yves Duteil a tracé sa route, se construisant un itinéraire solide qui pourrait en surprendre plus d’un, où les notions de citoyenneté, d’engagement et de modernité ont toujours compté.

Yves Duteil, chanteur non pas engagé dans le sens militant, mais fortement concerné. En 1997, son 11ème album, rend hommage à Yitzhak Rabin, parle d’une jeune Tibétaine victime du régime chinois et évoque Albert Dreyfus. Six ans plus tard, il écrit et chante « Tous les droits des enfants » pour initier nos p’tits bouts à leurs droits fondamentaux. Plus récemment, il s’insurge contre l’emprisonnement d’Ingrid Betancourt et fait partie des artistes qui chantent pour la Franco-colombienne, aux côtés de Renaud notamment, un pote depuis des années.

Yves Duteil ne se fait pas beaucoup entendre dans les médias. Mais il agit. C’est son tempérament. Savez-vous qu’il est maire de sa commune depuis près de vingt ans et qu’il a été réélu tout récemment au premier tour.

La crise du disque, il l’a anticipé depuis longtemps. Il est son propre éditeur et son propre producteur depuis 1981. Son site internet, il l’a créé dès 1997, ce qui lui a permis de construire une relation directe avec son public, qu’il croise au rythme soutenu de quelque 70 spectacles par an. Une relation confortée par un blog sur lequel il a, par exemple, commenté les diverses étapes de la création de son nouveau disque, intégrant un extrait de chacune des chansons accompagnées d’un petit texte de présentation.

Même si la musique occupe une grande partie de son existence, la vie d’Yves Duteil ne tourne pas uniquement en chansons. Ce garçon est aussi – on ne va pas dire écrivain – mais faiseur d’histoires sur papier. Il concocte des livres où il aime mélanger textes et images. Jouant de sa sensibilité, il a ainsi écrit trois beaux livres racontant sa France buissonnière, Dans l’air des mots une centaine de ses chansons illustrées par de magnifiques photos et Les choses qu’on ne dits pas où il consacre quarante trois lettres à ce qui compte le plus pour lui !

Mais pourquoi cette boulimie, citoyen Duteil ? « Je veux être un artiste d’aujourd’hui », souffle t-il. C’est-à-dire un homme ouvert sur le monde. Tout simplement."

Michel Troadec.