La chorégraphe Jennifer Lacey fait ses débuts à la Kitchen à New York avec $Shot, pièce créée en collaboration avec la plasticienne Nadia Lauro, la compositeur/musicienne Zeena Parkins et la danseuse Erin Cornell. Inspiré du vocabulaire corporel employé dans la pornographie, $Shot explore la relation entre l'avidité du regard sexuel et le regard contemplatif. La pièce se réfère à l'imagerie physique raffinée et à la narration particulière de la pornographie pour créer une méditation complexe et séduisante sur les formes et les manières de voir. "Je voulais faire ressortir à la surface le contenu érotique et sensuel de mon travail et voir d'où il venait ", explique Jennifer Lacey, qui voit aussi une corrélation fascinante entre les pratiques de la danse et de la pornographie. Toutes les deux agissent sur le corps en le réduisant sévèrement, en l'épurant et le retirant de son contexte quotidien ; souvent ce que vous êtes censés regarder n'est pas vraiment la chose intéressante. En dehors de l'action en cours, la pornographie prétend rarement donner un sens aux corps ou aux formes qu'elle exhibe. Inspirée par cette dimension formaliste du porno, mais aussi par l'art minimaliste des années 1960 et 1970, $Shot explore un corps libéré du sens et de la métaphore, tout en jouant avec le fétichisme et la représentation/ construction du corps érotique. L'installation sonore du compositeur Zeena Parkins, intégrant des générateurs d'ondes, des filtres, du cuir, des brindilles et autres composants organiques, se diffuse sur la chorégraphie comme un parfum, contribuant à l'atmosphère pesante et luxueuse de la pièce. Donnée dans l'installation conçue par la plasticienne française Nadia Lauro, un sol en sacs de PVC gonflables contenant un liquide laiteux, tous les éléments se conjuguent pour un spectacle intimiste teinté d'un humour décadent et d'une charmante étrangeté.
Texte des Sabots
Absence d'incident paroxystique ou Entre le monumental de le décoratif (1), sensation, échelle et jouissance dans $Shot. "J'ai toujours porté des collants avec mes sabots. J'adore le côté détendu, désinvolte de cet assemblage, qui me donne l'air et la sensation d'être très européenne. (2) (j'ai toujours trouvé que) les formes les plus simples provoquent les plus fortes "sensations de gestalt". Leurs éléments sont reliés de telle façon qu'elles offrent un maximum de résistance à une perception distincte. (1) (Même alors) il faut de la grâce et de la sensualité pour porter des sabots et des collants. Il faut dompter ces collants si lisses qui font glisser les sabots et pas question de s'autoriser des mouvements saccadés, maladroits, machos ! Mais si vous aimez porter des sabots, ça en vaut la peine (2). J'aime particulièrement observer des femmes portant des sabots avec des bas. C'est vraiment sexy à regarder. Vous me trouverez peut-être étrange, mais j'aime les regarder perdre un sabot et revenir en arrière pour le rechausser. Je suis curieuse de savoir comment une femme peut conduire une voiture en sabots sans que ses pieds ne glissent (2). (Mais jusqu'à présent) ni les théories ni l'expérience des effets du gestalt faute de frappe probablement en relation avec les corps tridimensionnels ne sont aussi simples et clairs qu'ils le sont pour ceux en deux dimensions.
Cependant l'expérience des solides établit le fait que, dans les formes plates,
certaines configurations sont dominées par le concept d'intégrité, d'autres qui tendent
à se déconstruire (1). (C'est pourquoi) quand je porte des collants et des sabots, je
sais que je vais probablement perdre un
sabot deux fois au moins dans la journée. De ce fait, à chaque fois que je suis à
l'intérieur, je les ôte et me promène en collants. C'est plus facile que de trébucher
sur mon sabot chaque fois qu'il tombe (2). (Si quelqu'un perd un sabot) on n'a pas besoin
de bouger autour de l'objet pour que survienne le sentiment d'un tout, du gestalt. On voit
et on "croit" immédiatement que notre schéma mental correspond au fait
existentiel de l'objet. (1) "J'ai toujours éprouvé un vague et étrange fétichisme
sexuel avec les sabots. Je pense que la véritable réponse se trouve dans la manière
dont le pied, zone érogène bien connue, glisse à l'intérieur d'un sabot anatomiquement
correct pour s'ajuster parfaitement - symbolisant l'acte sexuel. (2) (Mais il se peut
aussi que) dans la perception de l'échelle relative, le corps humain entre dans le
continuum global des tailles et s'établit lui-même comme une constante sur cette
échelle. On reconnaît immédiatement ce qui est plus petit et ce qui est plus grand que
soi. Il est évident, mais important, de noter que nous ne percevons pas de la même
façon les choses plus petites que nous et les choses plus grandes. Le caractère intime
d'un objet dépend directement de la diminution de sa taille par rapport à nous. (1)
Jennifer Lacey
(traduction)
76, rue de la Roquette 75011 Paris