Présentation
Same but different de Sello Pesa
Mpirahalahy Mianala de Ariry Andriamoratsiresy
Vin Nem de Lacina Coulibaly
Afrique en créations c'est la rencontre des Lauréats des rencontres chorégraphiques
d’Afrique et de l’Océan indien/Antananarivo 2001 :
1er Prix :
Inzalo Dance Theatre Compagny (Afrique du Sud) -
Same but different - Chorégraphe : Sello Pesa
2ème Prix et Prix spécial RFI :
Compagnie Rary (Madagascar) - Mpirahalahy Mianala
- Chorégraphe : Ariry Andriamoratsiresy
3ème Prix :
Compagnie Kongo Ba Teria (Burkina Faso) - Vin Nem
- Chorégraphes : Lacina Coulibaly assisté de Souleymane Badolo, Ousséni Sako
La danse créatrive qui se fait en Afrique, comme aime à la nommer Salia Sanou* n’a plus à démontrer la richesse ni l’extraordinaire vitalité de ses expressions contemporaines. Portée par l’audace de chorégraphes comme Robyn Orlin, Jeannette Ginslow ou Germaine Acogny, la danse contemporaine africaine investit aujourd’hui les théâtres et les festivals européens. Le Théâtre National de Chaillot présente les trois lauréats de Danse en créations/Sanga II distingués à Antananarivo, lors des quatrièmes Rencontres Chorégraphiques de l’Afrique et de l’Océan indien et permet ainsi à ces jeunes danseurs de rencontrer d’autres publics, d’autres influences…
Chorégraphie de Sello Pesa
Interprètes : Moeketsi Koena, Mandla Bebeza, Sello Pesa
Trois hommes émergent du néant. Silhouettes semblables exposées de dos, anonyme. Le secret recouvre la scène. Les hommes se ressemblent et leurs gestes se répondent. On les dirait reliés par des fils invisibles, peut-être pris dans le jeu infini du croisement des regards. Au loin, des bruits ponctuent le silence : cris d’animaux, bruissements de feuilles ou ressac ; la nuit frissonne. Travaillant chaque geste jusqu’à l’épure, la chorégraphie reste serrée. Peu à peu, l’on retourne dans le monde des hommes : voix off, flûte exilée, chants lointains ponctuent une gestuelle mesurée. Sorte de version chorégraphique de la musique de chambre, le trio, sobrement vêtu d’un T-shirt et d’un pantalon, joue la simplicité. Construite par des lignes limpides, économe, la danse ne s’embarrasse d’aucun effet. Variations sur la marche et petits sauts, déhanchements coulés, mouvements chaloupés alternent avec des trajectoires aiguës ou la rigueur de battements dépouillés. Délimité par des rectangles lumineux de faible intensité, le territoire accordé à chacun les enferme dans un espace restreint, mangé par le noir qui envahit doucement le plateau, creusant d’ombres les corps, les muscles, jusqu’à faire apparaître, comme par surprise, l’éclat d’un mouvement. Prisonniers de cet espace, ils ne s’en sortiront que par la fugue. Subtilement, l’écriture chorégraphique reprend à son compte ce motif, elle fugue elle aussi, déplace les lignes de manière rigoureuse tandis que de discrètes percussions renforcent l’ascèse de la pièce. Abstraite, ne cédant jamais à la démonstration ni au lyrisme, la chorégraphie n’en est pas moins porteuse de sens : le propos, Même et différent se décline avec intelligence et délicatesse. Très intime, la pièce distille l’émotion presque malgré elle.
Fondée par Sello Pesa et Moeketsi Koena, la compagnie a été créée en l’an 2000. Les chorégraphes ont tous deux été interprètes dans d’autres compagnies sudafricaines et ont travaillé en Europe, à Leeds pour Sello Pesa, à l’école PARTS pour Moeketsi Koena. La compagnie se revendique résolument urbaine. Elle ne néglige aucune des influences de la danse actuelle, et mélange avec bonheur les genres : contemporain et hip hop, musique aborigène et réminiscences du classique. Sa recherche porte sur l’inventivité et le renouvellement d’un vocabulaire chorégraphique.
Chorégraphie : Ariry Andriamoratsiresy
Interprètes : Maharavo Randriambololona, Lovatiana Rakotobe, Alain Randriamiasa, Angela Rokotoarisoa, Zoé
Randrianjanaka, Rija Rokotoarimanana , musicienne : Linda Volahasiniainaa
La pièce d’Ariry Andriamoratsiresy, qui signifie Plusieurs qui forment un seul, commence
dans la concentration. En haut d’une structure hasardeuse un homme ondule, bientôt
rejoint par une femme qui s’accroche à lui dans l’urgence et l’abandon. Loin des clichés
des duos d’amour, un enlacement s’ébauche en glissements, en métamorphoses, en
audaces progressives. Noir. Des femmes accroupies, le visage plongé vers le sol échafaudent lentement des poses aux langueurs
statuaires. Quête ou attente ? Sereines et graves, leurs mouvements semblent empreints d’un secret,
couvrent un mystère. Toute une alchimie gestuelle, hésitant entre Asie et Afrique, entre temporel et
spirituel, s’élabore dans ce trio féminin. Elles avancent cambrées, les genoux pliés, leurs bras d’oiseaux
blessés découpent l’air autour d’elles, alternent avec des lenteurs contemplatives. Têtues, elles martèlent
une marche insistante, pulsatile.
L’entrée des hommes, trouble cette atmosphère de gynécée. Elastiques, extraordinairement silencieux, ils
transpercent de leurs bonds cette harmonie fragile. Leurs gestes aveuglent comme une lumière trop crue.
La légèreté et la grâce nimbent les corps masculins, les expédierait presque dans un autre monde. Les
mouvements d’ensemble dessinent des tableaux où les corps se rejoignent dans des suspensions, des
éclats, sans jamais tomber dans la mièvrerie sentimentale. D’une fluidité maîtrisée, la gestuelle est orageuse, les pas pressés se fondent dans un
bruit de pluie. Sursauts, vacillements, accroches, délimitent un espace sensible.
Partis pour un improbable voyage, les danseurs embarquent vers l’ailleurs ; un pays
imaginaire et métissé, bercé par la douceur et les alizés, qui ressemble peut-être à
Madagascar. Abri, navire, appartement de fortune, lit superposé, armoire, porte, la
structure de bois se modèle au grè des scènes ; tout s’est passé entre ces quatre
planches, tandis que pour l’heure, s’installe une humanité rescapée. Et parfois ils
tournent avec la terre, et parfois, ils pédalent dans les nuées.
La compagnie existe depuis six ans. Comprenant actuellement sept danseurs, deux musiciens et un compositeur, elle a, à son actif, de nombreuses créations. Elle a déjà présenté son travail lors de nombreux concours, notamment lors de Sanga l à Madagascar avec Kila (1997) et au MASA à Abidjan où ce spectacle a été représenté. Depuis 1997, elle participe régulièrement au Karajia, effectue des ateliers d’échanges en danse contemporaine et des initiations en chorégraphie traditionnelle malgache.
Chorégraphie : Lacina Coulibaly assisté de S. Badolo et O. Sako
Interprètes : Souleymane Badolo, Lacina Coulibaly, Ousséni Sako
Musique : Tim Whinsey (Arc musical et Cora)
La racine tourmentée de la toile de fond est aussi mouvementée que la chorégraphie.
Ses formes délicates et compliquées rappellent la gestuelle des danseurs tout en
torsions, en souplesse, en ondoyants tracés. L’une comme les autres évoquent ces
études de peintres cherchant à dégager la beauté intrinsèque de l’objet contemplé.
Cette singulière lumière nimbe toute la pièce de Kongo Ba Teria. Les mouvements se
font matière, la gestuelle est irruptive et raffinée. Les accélérations n’ont d’égales que la
retenue de marches lentes et recueillies. Une animalité trouble s’attache à ces
métamorphoses.
L’écriture corporelle semble donner vie à chaque segment, au moindre frémissement,
reculant, au-delà du possible la frontière anatomique. Insectes graciles et sophistiqués,
félins tranquilles, leur corps n’apparaît que comme l’image d’où tout dépend mais qui les
cache. Flottants, palpitants, tournoyants, les bras semblent déplacer le silence dans des
trios aux élans spacieux. Les duos sont sensibles, affectifs, avec des portés en suspens
magnifiques. Les danseurs cambrent et se cabrent, chutent d’un coup, se relèvent et
chavirent encore. Pourtant, ce que la richesse du mouvement met en valeur, c’est la
simplicité des hommes. La lumière (Vin Nem) naît peut-être de cette seule évidence :
celle d’exister, tout comme l’eau qui, à la fin, baigne et purifie les corps est aussi limpide
que la vérité. Ce sont les petites choses de la vie qui, finalement, font la grandeur de
cette chorégraphie qui, malgré ses fulgurances, sait rester économe. Mais l’expressivité des visages et des corps suffit à nous faire pénétrer dans ce monde
esseulé, nous entraîne dans leurs attentes, leurs doutes, balayés par quelques
moments festifs et débridés. Tout en nuances, Vin Nem a des accents métaphysiques,
une dimension quasi-spirituelle : l’exil et la méditation nichent au cœur de cette narration
stylisée, de cette fiction proche de l’abstraction et néanmoins si parlante.
Formés à l’art du spectacle sans discrimination de disciplines, les initiateurs de Kongo Ba Teria étudient le théâtre, la danse, et la musique africaine. Ousséni Sako et Souleymane Badolo, tous deux passionnés de danse, décident de se lancer dans la création personnelle, bientôt rejoints par Lacina Coulibaly. Leurs premières créations, chorégraphiées par S. Badolo ont déjà une construction rigoureuse. Ainsi, Frères sans stèles, est diffusé avec succès sur les scènes africaines. Vin Nem est leur deuxième création importante.
1, Place du Trocadéro 75016 Paris