Peut-on résister à traiter de l’Annonciation lorsque l’on se prénomme Angelin ? Se saisissant de la scène biblique, Preljocaj transforme l’annonce faite à Marie en création manifeste. Posée entre le sacré et l’incarnation charnelle, sa pièce est une célébration de tous les esprits, qu’ils soient saints ou créateurs. Pouvait-on rêver meilleur endroit pour l’accueillir que l’une des plus belles églises de Paris ?
“ Alors que de nombreux peintres depuis deux millénaires ne cessent d’interroger ce catapultage de symboles antinomiques qu’est l’Annonciation, il est étonnant de constater que ce thème à la problématique si proche du corps soit quasi évacué de l’art chorégraphique. Pourtant, ce qui est en jeu ici est évidemment fascinant. Dans l’iconographie traditionnelle, Marie est souvent représentée dans un jardin clos qui symbolise sa virginité. Une similitude se dégage alors entre son espace intérieur et son environnement.
L’intrusion de l’ange dans cet univers intime apporte avec lui l’annonce du bouleversement métabolique de son corps. C’est pourquoi, bien que dans le texte la Vierge exprime une soumission sereine à l’événement, de nombreux artistes lui ont donné des attitudes exprimant le doute, l’inquiétude, voire la révolte. Cette simultanéité étrange entre soumission et révolte, cette déflagration de l’espace et du temps, nous signifient qu’au moment même où le message est délivré le processus biologique de la fécondation est en route. On est en fait dans l’acte concepteur. Cette genèse par glissements successifs nous ramène évidemment au mécanisme même de la création artistique, le message passant du virtuel au réel. Ce que l’on appelle aujourd’hui l’art conceptuel ne serait-il pas, plutôt qu’un art abouti, l’annonce d’un art nouveau, l’Annonciation d’un art à naître ? ”
Angelin Preljocaj
Place du Jour 75001 Paris