Dans le noir, des rires et des pas. Puis on distingue un corps qui se promène et éclaire la scène à la lampe de poche : c'est celui de la chorégraphe Ann Van den Broek elle-même. Surgit un homme qui rit adossé au mur du fond, un autre, ailleurs, qui déchire des choses au sol. Les images s'évanouissent aussitôt. D'autres apparaissent sur un écran cette fois : une chaussure, une chaise, des pieds juchés sur des talons hauts qui cherchent à s'échapper. Le dispositif est posé. Le plateau sera la plupart du temps plongé dans l'obscurité, éclairé sporadiquement par le faisceau d'une lampe, et des images vidéo, filmées live ou non, apparaîtront au fond.
Ann Van den Broek offre là une pièce hypnotique, glaçante comme une plongée dans un monde sous vidéosurveillance que guettent la folie et la violence. The Black Piece est fascinante par son mystère et par les images qu'elle fait naître, à la séduction vénéneuse et voluptueuse. Car, sur fond de sons étranges qui mêlent rires hystériques, aboiements, respirations, pieds qui martèlent le sol comme des percussions, les corps s'animent. La danse surgit, évoquant tour à tour un défilé de mode, les déhanchements sexy des rockstars, une scène sadomasochiste. Ici s'ouvre le terrain des pulsions, des fantasmes et du voyeurisme entravé et excité. Faite de la texture des rêves, The Black Piece invite à un voyage au cœur des ténèbres, là où règne le chaos, un chaos aussi puissant que menaçant, savamment orchestré par la chorégraphe, qui lui donne la forme d'un cérémonial étrange et envoûtant.
Caméra live : Thorsten Alofs
« Avec The Black Piece, qui se déroule quasiment entièrement dans l’obscurité, Ann Van den Broek affirme un talent et une science de la scène qui ne se laissent pas aveugler par l’efficacité. (…) Film live, danse éclairée à la lampe de poche, théâtre d’ombres, The Black Piece tangue et file le vertige. » Rosita Boisseau, Le Monde, 6 mai 2015
Place Jean Jaurès 93100 Montreuil