« Qui suis-je ? Dis-moi comment me redresser et montrer au monde que je nourris encore de l’espoir ? » Linda Lê, extrait de Au coeur
Frappé par les images d’enfants au sol, d’enfants abandonnés, de corps d’enfants échoués ces derniers mois, ces derniers jours, Thierry Thieû Niang s’interroge sur l’ambivalence de cet événement qu’est la chute d’un petit. À l’extrême gravité qu’un adulte peut y trouver, à l’avertissement – la menace ? – permanente du « Attention, tu vas tomber ! » s’oppose le regard ludique des enfants eux-mêmes : « Un enfant joue à tomber. Il ne bouge plus. Il se relève et recommence. Il dit qu’il fait semblant. Il dit qu’il joue à faire le mort ! À quoi joue-t-il ? Et nous, que voyons-nous tout à coup de cette immobilité, de cette suspension ? »
Pour développer cette question, il choisit de travailler avec des enfants et des adolescents. Thierry Thieû Niang recrute, dans chaque ville où il est accueilli, quatorze jeunes amateurs – ici de Paris et de Saint-Denis. À eux d’abord d’investir le plateau pour sonder les revers du premier choc face à la chute : l’aide d’un autre pour se relever, la grâce dans la tentative de s’élever, de grimper, la simple joie de la feinte…
À la demande du chorégraphe, des artistes complices créent l’écrin qui accueille les jeunes interprètes : l’écrivaine Linda Lê, par un texte qui explore le commun des enfances exilées ; la chanteuse Camille, par combinaison de voix a capella et de la viole de gambe de Robin Pharo. Entre abstraction et incarnation, entre envol et consolation, dans une scénographie de Claude Lévêque, les interprètes découvrent en chacun d’eux ce qui relie leurs identités et laissent voir l’enfance du geste, l’enfance de l’art, l’enfance d’un avenir à dessiner ensemble.
Avec 14 enfants et adolescents âgés de 9 à 17 ans de Paris et de Saint-Denis.
Un enfant joue à tomber. Il ne bouge plus. Il se relève et recommence. Il dit qu’il fait semblant. Il dit qu’il joue à faire le mort ! À quoi joue-t-il ? Et nous, que voyons nous tout à coup de cette immobilité, de cette suspension ? De ces corps au sol ? De ces corps formant un tout, unique. Un corps commun. Un souffle revenu.
Enfants et adolescents s’emparent de l’espace fait d’élans et de déséquilibres dans une structure chorégraphique ouverte aux différentes manières d’explorer le mouvement, la présence dansée. Inventer ensemble un mouvement à la force et la grâce, au peu et au silence, travailler des danses comme des paysages intérieurs, abstraits, biographiques aussi. Des portraits au présent qui interrogent l’intérieur et l’extérieur, l’absence et la présence, l’identité et la fiction, le moment et la durée et composer une humanité libre et habitée de gestes ouverts, de récits et autres paroles.
La photo du petit Aylan mort sur cette plage a eu un retentissement en nous tous. C’est la force de l’incarnation. On est submergés par toute la tristesse du monde face aux images de corps échoués sur un rivage. Je me sens partie prenante des grandes émotions collectives, tout en étant conscient qu’il est difficile d’y trouver une intelligibilité. Qu’est-ce que je vois et qu’est-ce que je fais ? C’est le calme de la catastrophe qui est en train de se produire dans le présent de mon travail et dans le présent de la vraie vie.
Je parle pour la première fois du chagrin du monde. Qu’est ce que serait un monde où l’on peut se consoler de tout ? Un monde où je n’aimerais pas vivre. Je ne cherche pas à me distinguer du flot de commentaires et de chagrins sur le monde. Encore une fois, mon outil, mon geste, c’est le mouvement des corps et je ne suis pas magicien quand je fais danser des personnes âgées, autistes ou détenues. Je ne répare rien. Il faut sortir de cette idée qui veut qu’on répare et qu’on console, comme on change la roue défaillante d’une voiture.
Je trouve riche de sens qu’il y ait aussi des choses dont on reste inconsolable. Qu’est-ce que serait un monde où l’on peut se consoler de tout ? Ce qui se passe dans ce travail avec les enfants et les adolescents, reconduit ce que je fais alors dans ma vie, sauver quelque chose. Et cela ne veut pas dire réparer ou soigner. Il faut aller à l’intérieur de nous et tous les jours, prendre le temps de regarder, prendre le temps de dire, d’écouter et de faire ensemble. Je crois que toute pensée agit, tout sentiment aussi. Les pensées et les sentiments de paix et de douceur face au chaos et à la colère sont d’anciens chemins
Thierry Thieû Niang, janvier 2016
« Au cœur n’en fait jamais trop : c’est sa force. » Philippe Noisette, Sceneweb.fr, 17 juillet 2016
« Ouvrir les bras, étreindre, soutenir, protéger… Au cœur, spectacle de Thierry Thieû Niang pour douze adolescents amateurs âgés de 8 à 18 ans, pose une cape de bien-être sur le plateau. Elle tombe et enveloppe comme un cocon sans jamais peser sur les épaules. Une texture fine, avec juste ce qu’il faut d’espace entre les mailles pour respirer. » Rosita Boisseau, Le Monde, 11 juillet 2016
« Un amas de stupeurs, de lueurs, de douceurs. C’est beau à pleurer et on pleure. Comment conjuguer l’horreur et la beauté ? » Jean-Pierre Thibaudat pour son blog Balagan, 8 juillet 2016
« Une étonnante générosité humaniste. » Rosita Boisseau, Télérama, 7 juillet 2016
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Voiture : Depuis Paris : Porte de la Chapelle - Autoroute A1 - sortie n°2 Saint-Denis centre (Stade de France), suivre « Saint-Denis centre ». Contourner la Porte de Paris en prenant la file de gauche. Continuer tout droit puis suivre le fléchage « Théâtre Gérard Philipe » (emprunter le bd Marcel Sembat puis le bd Jules Guesde).