Pendant dix ans Marguerite Yourcenar, figure majeure de la littérature, première femme élue à l’Académie française, rencontra Matthieu Galey, journaliste critique littéraire, animateur en son temps du « Masque et la Plume » , homme de livres comme il aimait à se définir. A plusieurs reprises il fit le voyage jusqu’à elle, recluse dans son île de Mount-Déserts, sur la côte Est des Etats-Unis. Il publia un recueil de ces entretiens, Les Yeux ouverts qui sera un succès de librairie mais aussi à l’origine de la brouille avec l’écrivain.
Pour Ludovic Kerfendal, seule Marie Christine Barrault pouvait apporter la passion, l’autorité et la générosité de Marguerite Yourcenar, être cette femme qui se confie, se raconte et conte, porter cette parole hors du temps avec une vision extraordinairement avant-gardiste de notre société et ce phrasé particulier. Elle incarne cet auteur qui s’est tant de fois identifié aux personnages masculins dont elle écrivait tantôt les mémoires, tantôt le récit d’une vie, ou une lettre encore. Alexis, Zénon ou Hadrien.
Mon expérience de spectateur puis de metteur en scène en exil, en Finlande, pays dont je ne maîtrisais pas les langues, m’a propulsé vers une façon de travailler qui devait tenir compte de l’éventualité de la présence d’un spectateur qui ne parlerait la langue de la pièce. Qu’allait-il voir ? Quelle histoire allait-il se raconter ? Pourrait-il échapper à l’ennui auquel on le croyait inévitablement condamné ?
J’ai pris les textes à bras le corps pour les projeter dans l’espace. J’ai appréhendé les acteurs, corps en mouvement, comme une matière confrontée à ce même espace, puis aux situations dans lesquelles les récits les destinaient. C’est à partir de ce travail sur le plateau que l’histoire prenait sa forme, et cette forme le portait au-delà du sens des mots. C’est ainsi que j’ai abordé le génie des textes de Molière, de Ionesco puis plus tard de Koltès dont je montais en finnois et en français, une seule mise en scène pour deux lectures différentes de Dans la Solitude des Champs de Coton/Puuvillapeltojen yksinäisyydessä.
Plus tard, de retour en France, c’est tout naturellement que j’ai entrepris de raconter mes propres histoires en partant de ce que j’appelle aujourd’hui ma matière : la musique comme point de départ de S.ØR.S, à laquelle se joindront les images d’un film, et trois comédiennes ; les corps des acteurs et d’une danseuse, une musique composée pour eux dans 59’59’’ ; la terre et deux acteurs dans Fratres. Ainsi se sont construits les récits de ces dernières créations, de ces confrontations sur le plateau. Confrontations de l’espace et de la matière, sonore ou concrète, avec les acteurs indispensables éléments sans qui mon travail relèverait de l’Art Plastique alors qu’ils l’inscrivent pleinement dans l’Art Vivant.
Mes créations ne sont rendues possibles que par des interprètes qui se prêtent à cette recherche de forme particulière. Aujourd’hui j’aborde Les Yeux Ouverts comme un retour à la matière textuelle mais avec cette volonté que le travail présenté s’inscrive dans le cadre d’une expérience intellectuelle certes – la matière textuelle est riche - mais surtout visuelle et sensorielle.
Qu’est-ce qui se joue devant nous ? Qu’est-ce qui nous traverse et nous bouleverse ? Le feu qui anime les échanges de ces deux esprits amis dans l’intimité d’un espace clos ? Leur envie d’en découdre et de se séduire ? Le bonheur de pouvoir assister à cette rencontre, être au coeur de l’entretien ? Ou peut-être simplement le cheminement qu’emprunte Matthieu Galey pour nous dévoiler la pensée de Marguerite Yourcenar au travers de cet espace, au bord des gouffres de l’inconnu, à l’orée duquel nous nous tenons. Espace imaginé ou imaginaire.
Ludovic Kerfendal
Une mise en scène en parfaite harmonie avec l'intimité d'une conversation entre deux personnages profondément humain incarnée par deux acteurs formidables sous le regard d'un troisième, magnétique passeur de leurs échanges. On en sort comblé et ému.
Pour 1 Notes
Une mise en scène en parfaite harmonie avec l'intimité d'une conversation entre deux personnages profondément humain incarnée par deux acteurs formidables sous le regard d'un troisième, magnétique passeur de leurs échanges. On en sort comblé et ému.
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