Chacune multiple, toutes à l’unisson, les femmes de Bouchra Ouizguen tracent opiniâtrement leurs sillons. Elles arpentent un espace à la croisée de la tradition et du quotidien, qui se comprime ou s’étire au son de leurs chants, de leurs rires et de leurs chuchotements. Artistes rompues aux publics distraits, parfois divagants, des mariages et des cabarets, elles savent imposer leur rythme, baliser leur terrain. Tantôt sorcières inquiétantes, tantôt laborieuses fourmis, elles mènent aux côtés de Bouchra Ouizguen une recherche artistique ancrée dans un présent radical.
Kabboura Aït Ben Hmad, El Hanna Fatéma, Halima Sahmoud et Fatna Ibn El Khatyb forment le noyau de la compagnie O ; les trois premières étaient présentes dans Madame Plaza, puis dans Ha !.
Dans cette pièce déjà, elles portaient sur la tête un fichu blanc, découpant sur fond noir leurs gorges et leurs têtes, dans une chorégraphie de souffles, de cous, de cris, de hochements. Dans Les Corbeaux, elles étaient dix-sept femmes, de tous âges, à poursuivre l’expérience de cette transe capitale, secouant les branches d’un arbre aux racines profondément enfouies. C’est un trajet similaire, entre souterrains et grand air, qu’accomplissent les fourmis (ottof en berbère).
Dans sa nouvelle création, Bouchra Ouizguen entraîne ses quatre complices à creuser des galeries, à drainer et renouveler le sol qu’elles foulent ensemble depuis huit ans. Elles prolongent et approfondissent une aventure humaine et artistique aussi singulière que radicale.
« Tout donc, jusqu’à saturation. Ce qui auréole Ottof (...), pour quatre chanteuses-danseuses âgées de 52 à 65 ans, d’un extrémisme coupant. (...) Curieusement, la crudité ras la culotte se conjugue avec un romantisme vibrant même si désespéré. La pesanteur des propos et des corps de ces quatre interprètes aux parcours chahutés est sans cesse contrebalancée par une légèreté, une grâce presque enfantine parfois. » Rosita Boisseau, Le Monde, 16 septembre 2015
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