Une satire sociale
Une comédie, sur le fond tragique de la situation malienne
La presse
BlonBa
L'importance cruciale de la production
Après Le retour de Bougouniéré, BlonBa propose un nouveau spectacle de kotèba. Cette pièce reprendra le personnage de Bougouniéré, un peu à la manière dont on retrouve Charlot dans les histoires que raconte Chaplin.
Le kotèba est une forme de satire sociale jouée sur le mode burlesque dans les villages de l’aire mandingue (Afrique de l’Ouest). Dans les années 1980, un mouvement de comédiens a commencé à adapter ce genre en milieu urbain. Bougouniéré invite à dîner s’inscrit dans la continuation de ce mouvement.
Bougouniéré, une directrice d’ONG pleine d’ambition
Désormais, Bougouniéré (Diarrah Sanogo) dirige à Bamako une ONG « humanitaire ». Citadine moderne et engagée, mais d’extraction populaire, elle a l’esprit fort occupé par un sport bien connu : la chasse aux subventions. Ce soir, un bailleur venu des pays riches a souhaité faire connaissance avec « l’Afrique profonde ». Il est attendu à dîner par la militante, installée dans sa cour. Bougouniéré commence à préparer le repas. L’eau bout dans la marmite.
Djéliba, un concepteur de monuments aigri
Djéliba, son époux, (Michel Sangaré) est un ingénieur au chômage, spécialisé dans la conception et la réalisation de « monuments historiques et machines spéciales ». Débouchés rares, métier ingrat, mais passion exclusive, donc aigreur assurée. Pour Bougouniéré, c’est un paresseux, un phraseur. Elle ne se prive pas de le lui dire. Djéliba espère beaucoup sur la venue du bailleur pour plaider en faveur de l’œuvre de sa vie : un restaurant panoramique en forme d’hippopotame géant sur la colline de Hamdallaye, qui domine la capitale malienne. Bougouniéré voit d’un très mauvais œil cette intention perturbatrice, susceptible de détourner l’attention du bailleur.
Nyamanton, Molobali et Fily, des triplés très différents
De Djéliba, la moderne Bougouniéré, adepte du planning familial, n’a voulu avoir qu’une seule grossesse. Résultat : des triplés, Nyamanton, Molobali et Fily (Lassine Coulibaly « King »). Nyamanton, alias « Ben Laden », est adepte d’une secte islamique, les « pieds nus », dont les membres refusent le contact avec tout ce qui touche d’une manière ou d’une autre au monde occidental. Molobali est un « ultralibéraliste » touché par la grâce des évangélistes born again. Bougouniéré considère l’un et l’autre comme des bons à rien. Elle compte surtout sur Fily, parti à l’aventure en Europe. Elle a néanmoins fait appel à tous les trois pour qu’ils l’aident à préparer un repas susceptible de séduire le bailleur.
Un spectacle de BlonBa, structure malienne de création artistique et d’action culturelle.
Le dernier spectacle de BlonBa tel que l’a vu Alain Foix, écrivain (Ta mémoire petit monde, Gallimard ; grand prix Beaumarchais de l’écriture théâtrale de la Caraïbe), chroniqueur à Libération, directeur du Quai des Arts, ancien directeur de la scène nationale de Guadeloupe.
"C’est d’abord une odeur. Une odeur de cuisine qui vous fait saliver. Une énorme marmite solitaire trône sur son réchaud en plein centre du fer à cheval formé par le cercle des spectateurs. Elle vous accueille, distillant en silence son fumet odorant. L’estomac manifeste. Ce serait bien malheur de ne pas en goûter. La scène reste vide attendant que la panse du théâtre se remplisse d’estomacs.
La scène ? Un espace de plain-pied limité par un grand rectangle dont la texture fait penser à un sol de terre battue. Quelque chose de l’Afrique nous accueille, nous intègre d’emblée, un théâtre convivial. Cette attente est déjà du théâtre. Le silence et le vide le tissent. Les convives se regardent, s’observent se comptent. Ils se savent déjà un peu plus que simples spectateurs. Ils font partie du spectacle et ce monologue de marmite rebondie leur indique d’entrée qu’ils seront de la fête au final. Un public métissé. Les boubous se frottent aux jeans, les tailleurs aux jupes plissées. En fond de scène, un hippopotame en carton-pâte, gueule ouverte. Affamé lui aussi ? « La chose anthropophage » dit Djéliba perdu dans ses pensées. Djéliba ? Pardon, on ne l’a pas vu venir. Il est entré dans ses rêves sur la scène. Si distraitement, si discrètement. Il est ailleurs. Lui non plus ne nous a pas vus. Il s’en excuse et se présente : « Djéliba, altermondialiste. Altermondialiste : celui qui veut un autre monde ». Un rêveur. C’est lui, l’auteur de cet hippopotame, maquette d’un projet de complexe ultramoderne qu’il voudrait voir construit sur les hauteurs de Bamako. Il est « ingénieur-concepteur en monuments historiques et machines spéciales » au chômage, forcément. Un bon à rien, selon Bougouniéré sa femme qui, elle, fait bouillir la marmite, les deux pieds bien sur terre.
Justement, la voici qui arrive. Ça, c’est une entrée. Un ouragan humain, tout en énergie qui écrase son pauvre mari sous une pluie d’insultes « chômeur chronique, crustacé, phacochère »… dignes du capitaine Haddock. Elle, elle sait faire rentrer l’argent. Elle ne rêve pas, elle. Elle prend le monde tel qu’il est, pragmatique. Les Blancs ont l’argent. Il faut leur faire cracher en exploitant leurs vices. Pour cela, elle a monté une ONG, sorte d’outil universel, de couteau suisse pour soutirer l’argent à l’Occident. Justement, elle s’en occupe. La marmite là, c’est pour son invité, Mr Bigfish dont elle va conquérir la bourse en caressant la panse. Mais il faut investir. Pas assez d’ingrédients dans la marmite pour séduire son hôte. Elle demande à ses triplés de lui venir en aide. Trois caricatures d’une jeunesse malienne en ballottage existentiel. Le premier, intégriste musulman, marche sur des cartons, refusant de poser le pied sur une terre impure. Le second, un ultralibéraliste évangéliste. Le troisième, émigré en Europe en quête de travail. Réussiront-ils dans leur entreprise de séduction de Bigfish ? Bigfish viendra-t-il ? Serons-nous invités, nous spectateurs, à participer au repas ? Telle est la nature du suspense qui tire le fil humoristique et souvent hilarant d’une histoire triste sur fond d’un Mali au masque grimaçant que Djéliba, le rêveur, rescapé de la "chose anthropophage", la mine de sel où il fut condamné, cherche encore à changer.
Monté pour la compagnie Blonba, par Alioune Ifra Ndiaye et Jean-Louis Sagot-Duvauroux (en collaboration avec Patrick Le Mauff) sous la forme d’un kotéba (satire sociale traditionnelle jouée sur le mode burlesque dans les villages de l’aire mandingue) ce Bougouniéré invite à dîner, joué avec brio par de talentueux comédiens (Diarrah Sanogo-Bougouniéré, Michel Sangaré-Djéliba, Lassine Coulibaly -les triplés ), allie la finesse et l’intelligence du texte au comique des gestes et des répliques sur fond tragique d’une situation malienne. Situation où l’espoir semble encore échapper au naufrage puisqu’un tel théâtre y est possible.
Alain Foix, novembre 2006
« C’est une satire sociale féroce et d’une extrême drôlerie dans la tradition du kotèba, cette joute oratoire pratiquée dans les villages d’Afrique de l’Ouest. Une farce où chacun en prend pour son grade, où le principe de réalité et le bon sens l’emportent sur les théories les plus fumeuses. Les acteurs s’en donnent à cœur joie et il convient, ici, de saluer leur prestation, leur énergie inépuisable et le sens de la répartie. Diarrah Sanogo, Michel Sangaré et Lassine Coulibaly sont d’une générosité sans borne et nous offrent un spectacle de bonne facture qui nous fait regretter le peu de visibilité du théâtre africain. » L’Humanité, 28 novembre 2005
« Le Nouveau théâtre d’Angers (Centre dramatique national) produisait du 15 au 21 octobre « Bougouniéré invite à dîner » au Carré des arts. Chacune des cinq représentations affichait quasiment complet /…/ . Le talent de Diarrah Sanogo, Michel Sangaré et Lassine Coulibaly n’est pas étranger à ce succès. Ces trois comédiens sont excellents, en communion constante avec un public qu’ils transportent littéralement au Mali. » Le Courrier de l’Ouest , 17 octobre 2005
« Cette satire jouée par la troupe de BlonBa dans le style du théâtre popuplaire kotèba est assurément l’événement francophone du moment. Elle a séduit les publics du Festival de Limoges, de Luxembourg ou des Hautes-Alpes /…/ Nous voilà joyeusement inquiétés. » Politis, 24 novembre 2005
« Nous avons beaucoup ri, mais nous avons aussi mieux compris, et cela grâce au théâtre, à une forme de théâtre venu de « là-bas », qui nous a parlé de là-bas, mais de nous ici aussi /…/ Les deux auteurs, Alioune Ifra Ndiaye et Jean-Louis Sagot-Duvauroux, ont composé des personnages hauts en couleur, des personnages que d’ailleurs les comédiens colorient comme il convient. Nous allons rire de et avec cette famille, mais nous allons également rire de nous qui sommes la face cachée de ce qui se joue là. Quelle belle et réjouissante auto-dérision. Quelle belle façon de nous faire prendre une conscience réelle, de nous « corriger en nous faisant rire » comme le disait et le faisait déjà un certain Molière, au XVIIe siècle. » La Voix du Luxembourg, 22 novembre 2005
BlonBa, agence malienne de création artistique et d’action culturelle, est créée à Bamako en 1998. Il s’agit, conjoncturellement, de capitaliser le succès recueilli par l’Antigone du Mandéka Théâtre (adaptation de Jean-Louis Sagot-Duvauroux avec Habib Dembélé, mise en scène de Sotigui Kouyaté) et de lui donner un ancrage malien durable.
Dirigée par Alioune Ifra Ndiaye, réalisateur de télévision alors âgé de 27 ans, BlonBa se donne pour visée l’autonomie de création et de production. Ses protagonistes veulent ouvrir une issue à une vie artistique malienne partagée entre un secteur classique toujours vivant, mais sclérosé par sa coupure d’avec le reste du monde, un secteur « international » profondément excentré dans ses financements comme dans ses critères artistiques, l’emprise de plus en plus forte des standards marchands dans l’unique secteur guigné par les industries culturelles : la musique.
Le projet doit en outre encaisser les effets culturels du découragement et de la dépression éthique qui accompagnent le sentiment que toute perspective collective est bouchée, une maladie planétaire particulièrement aiguë en Afrique.
Trois principes guident l'action de BlonBa. D’abord, BlonBa s’efforce de construire l’autonomie de production, indispensable à la mise en place d’une force de proposition artistique libre de ses choix. La structure choisit de se financer en priorité sur le « marché » du théâtre : billetterie au Mali, réseau des salles et institutions en Europe. Son premier spectacle , Le Retour de Bougouniéré (130 représentations, dont une quarantaine au Mali), ne bénéficie, pour financer sa création, que d’un pré-achat du Forum culturel du Blanc-Mesnil et du Centre culturel français de Bamako, ainsi que de billets d’avion pour les comédiens (Agence intergouvernementale de la francophonie). La multiplicité des partenaires, des relations fondées sur l’économie normale du spectacle ouvrent la perspective de créations régulières.
Deuxième priorité, s’inscrire vraiment dans les lignées artistiques du Mali. Le Retour de Bougouniéré reprend les personnages d’une pièce qui a marqué le renouveau du kotèba dans les années 1980 et réunit des comédiens très populaires de la scène bamakoise. Le spectacle inaugure un travail de jonction entre une forme classique malienne de représentation et le théâtre international, travail qui va se poursuivre avec la création de Ségou fassa, inspiré du maana, la grande récitation publique des griots ou des chasseurs-donsow, puis avec Bougouniéré invite à dîner, qui tente un nouveau pas dans le travail sur le kotèba. Cette volonté s’accompagne d’une large ouverture à l’échange avec les autres lignées artistiques. Elle s’enrichit du concours de créateurs venus d’ailleurs, qui choisissent de s’inscrire dans ces perspectives.
Enfin, BlonBa se construit comme une entreprise culturelle durable et travaille à l’élargissement des activités, donc des revenus et des compétences, sur d’autres secteurs comme l’audiovisuel, l’action culturelle et même la communication. Dans la dernière période, les concepts proposés par Alioune Ifra Ndiaye et BlonBa ont marqué l’actualité audiovisuelle malienne : Fatobougou, une série très populaire de sensibilisation à la vie civique ; Le Blon du court-métrage, concours d’initiation à la réalisation de fictions audiovisuelles et un documentaire ; Pour ne plus mourir en donnant la vie, documentaire sur l’action de la Fondation de l’enfance et de sa présidente, Mme Touré Lobbo Traoré. BlonBa assure la logistique d’événements internationaux se déroulant au Mali (Ruche Soni Labou Tamsi, Contours des rencontres photographiques de Bamako, environnement culturel de la Coupe d’Afrique des Nations…) Une quinzaine de professionnels vivent de ces différentes activités.
L’ouverture prochaine par BlonBa d’une salle de spectacle et d’un centre de création dans la capitale malienne, ainsi que la mise en place d’une équipe technique de qualité constituent une nouvelle étape de cette aventure.
Les urgences de l’Afrique telles qu’elle les vit
Depuis sa création, BlonBa attache une importance cruciale aux questions de production. La capacité à construire des partenariats sains et durables, fondés sur l’échange plutôt que sur l’aide, est une nécessité absolue pour qu’émergent de vraies forces de proposition artistique en Afrique, des structures indépendantes, libres de se centrer sur les urgences du continent, capables de résister aux puissantes incitations à construire ses projets en fonction des critères du Nord.
Une équipe de haut niveau en formation
L’autre objectif que poursuit BlonBa est de constituer une équipe de professionnels capables d’assurer à un haut niveau l’ensemble des travaux nécessaires à la création. Le travail développé avec les comédiens depuis l’Antigone du Mandéka Théâtre a permis une très forte élévation de la qualité de jeu. Un éclairagiste et un administrateur/régisseur général commencent à maîtriser leur métier, grâce notamment à des stages offerts par des institutions européennes, mais aussi au développement de notre activité au Mali même.
« Consultations » de mise en scène et chantier d’écriture
La question de la mise en scène reste en chantier. C’est un art qui demande de voir du théâtre, d’échanger des idées, de se confronter à d’autres. Il naît aussi d’une certaine abondance de l’offre de spectacles. Le Mali n’en est pas encore là. En ce qui concerne l’écriture de théâtre en Afrique, elle se développe, mais souvent selon des modalités qui ne nous semblent pas adaptées à la réalité. Dans le relatif désert de compagnies stables, l’écriture « en chambre » a peu de chance de croiser la scène. L’argument proposé par Alioune Ifra Ndiaye et Jean-Louis Sagot-Duvauroux a fait l’objet d’un travail d’écriture utilisant les intuitions surgies d’improvisations. Jean-Louis Sagot-Duvauroux a assuré l’écriture finale du texte. Même volonté d’implication de toute l’équipe dans la réflexion sur la mise en scène, avec un objectif de formation. C’est le comédien et metteur en scène Patrick Le Mauff qui a conduit cet aspect de la création.
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