Carlotta Sagna - Tourlourou

du 28 au 30 janvier 2005
30 minutes

Carlotta Sagna - Tourlourou

Soudard, hussard, grognard, zouave, bobosse, pioupiou, troufion, tourlourou... Jone se prête au jeu dans le rôle de ballerine-kamikaze, mercenaire de la scène.

(...) Je n'existe pas vraiment, je suis sans doute fictive,
on pourrait penser que je suis un ouvrage collectif,
oui, je suis une œuvre collective.
Dans quelques minutes je ne suis plus,
le temps s'écoule,
quelques minutes,
et puis le carrosse redevient citrouille (...)

Quand Jone San Martin entre en scène, elle apparaît ceinturée par le voile de son tutu au motif camouflage. L'image de la prise d'otages au Théâtre de la Doubrovka, en octobre 2002, revient alors en mémoire : sur les quarante-et-un membres du commando suicide, dix-neuf étaient des femmes portant le voile et des ceintures d'explosifs.

“Tu sais avec certitude que tu vas mourir demain.” Sur scène, le compte à rebours est programmé, la minuterie est enclenchée. Au garde à vous, puis lentement, forcément, ouverture à la première position, la danseuse, figurine remontée sur une boîte mécanique, va marquer le passage du temps avec son corps et par la droite, telles les aiguilles, nous précipiter avec elle dans l'explosion.

Tourlourou, le titre de la pièce, est un mot qui danse, turlututu. Il fut donné aux Antillais venus combattre et mourir dans nos tranchées. La chorégraphe Carlotta Sagna décrit sa pièce comme “un véritable hymne à l'interprète, crescendo tragique qui mène de l'exercice militaire au cri du cœur.” Les laborieux et répétitifs tendus à la seconde du début s'achèvent par une ultime caresse sur le sol, “montée d'émotion d'une condamnée à mort. ”

Il y a beaucoup de brio et de force dans l'interprétation de Jone San Martin. Mais, au-delà de cet hommage à la danseuse, exposée en vaillante et facétieuse petite soldate au service de notre plaisir de regardeur-voyeur, Carlotta Sagna construit avec une grande habileté dramaturgique une pièce sous tension. Danse, parole, rythme et humeur varient sans cesse et se répondent. La danseuse-kamikaze porte en elle les effets collatéraux de la danse : toucher le corps de l'autre plutôt que son regard. Nous n'en sortirons pas indemnes.

“Dans dix minutes je ne suis plus” scande Jone San Martin. Le temps est compté, et quand elle quitte la scène, son départ retentit comme une explosion et blesse nos corps, effet, pour le coup, de longue portée.

Aude Lavigne

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Spectacle terminé depuis le dimanche 30 janvier 2005

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