Waterproof ne résiste pas seulement à l’eau, il semble aussi imperméable au temps. Monté en 1986 à Angers, alors que la danse est avide d’expériences chorégraphiques dans des sites insolites, la chorégraphie invite une communauté amphibie de danseurs à évoluer dans une piscine. La pièce de Daniel Larrieu devient mythique : peu l’ont vue mais elle a beaucoup circulé en vidéo.
Dans Waterproof, l’eau est hypnotisante, c’est un espace à rêver qui relativise la gravité, conditionne d’autres rythmes de respiration, on y repousse ses limites et les limites du spectacle. C’est pour ce motif que, loin des ballets aquatiques d’Esther Williams ou de Muriel Hermine (où, évidemment, on nage plus qu’on ne danse), Waterproof est une pièce où se trame une lutte, un combat entre des corps rendus à toutes leurs dimensions mais aussi avec l’élément lui-même. Dans une osmose étrange avec l’eau, Daniel Larrieu est à contre-courant d’une époque où l’on adulait la vitesse et les artifices. La performance s’étire donc dans une “extase de la lenteur” qu’assume l’artiste.
Vingt ans plus tard, avec six interprètes d’origine et de nouveaux-venus, Waterproof renaît. Le Festival de Marseille ne pouvait pas passer à côté de l’événement : Daniel Larrieu n’est-il pas Marseillais d’origine et sur la première affiche du Festival, en 1996, ne figurait-il pas le plongeur de Paestum ? D’autant que, pour cette pièce à l’environnement exceptionnel, le Festival, dont la programmation multiforme aime à investir de nouveaux lieux, est accueilli dans la piscine olympique du Cercle des Nageurs de Marseille. On n’a plus qu’à retenir sa respiration.
D’une chorégraphie réalisée par Daniel Larrieu qui pouvait sembler en 1986 sans avenir, car trop expérimentale. Vingt ans plus tard Waterproof a été repris en juillet 2006 à Angers où il fut créé. La difficulté est de maintenir la surface plane de l’eau pour maintenir une bonne visibilité des danseurs dans le bassin.
Le temps lisse de Daniel Larrieu a trouvé dans la piscine un espace à sa mesure où le moindre mouvement à la surface de l’eau peut perturber l’environnement aquatique et provoquer des clapotis voire de fortes vibrations. Dans l’eau, le moindre geste, la plus petite inflexion produit un repositionnement généralisé des espaces.
La traduction du titre “imperméable à l’eau” évoque une quête d’un mouvement chorégraphique libéré de la pesanteur. Ainsi pour Daniel Larrieu “on s’éloignait de la natation, pour aller vers une pratique plus relationnelle de l’eau, avec le poids, le lâcher prise, les apnées du corps”. Les corps semblent évoluer comme dans un espace-temps hors de toute gravité.
Entrer dans le répertoire pour une chorégraphie ne serait-ce pas aussi faire un cheminement vers l’Olympe en se détachant de la factualité du temps ?
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