(S)acre de David Drouard est le troisième volet du triptyque commencé avec (F)aune et (H)ubris, présenté en 2016. Après la relecture en solo de L’Après-midi d’un Faune de Nijinski et la violence contenue dans la notion d’hubris (démesure, sentiment violent inspiré par la passion), il s’attaque au Sacre du printemps, cette pièce à la force subversive, tellurique, créée par Nijinski.
David Drouard questionne ce mythe du sacrifice et du renouveau pour en révéler les résonances avec le monde contemporain. Sur l’œuvre de Stravinski revue et corrigée par la musique rituelle et tribale d’un groupe féminin rock, il réinvente un récit qui prend le contrepied du livret d’origine. Non plus une vierge sacrifiée, mais douze femmes – neuf danseuses et trois musiciennes live – incarnent la résilience, la résistance face à la domination masculine, rétives à la puissance qui s’exerce contre elles et de fait contre la nature.
La nature sera très présente sur le plateau, grâce à l’architecte paysagiste, Gilles Clément, qui le transformera en un paysage, entre art et nature, créant le dialogue entre la danse et le vivant. Une manière radicale de revisiter une pièce de répertoire, en bousculant les genres.
Se confronter à l’œuvre de Stravinsky n’est pas un petit défi quand on sait le nombre d’auteurs chorégraphes du 20e siècle à avoir créé leur Sacre. L’histoire raconte que la pièce a fait scandale à sa création au Théâtre des Champs-Elysées en 1913. La musique comme la chorégraphie de Nijinski en prennent alors pour leurs grades. S’approprier le Sacre en revient donc à s’inscrire concrètement dans l’histoire de la subversion au théâtre.
Pour ce dernier volet du triptyque que j’ai ouvert par (F)aune, puis (H)ubris, j’ai le désir de prolonger naturellement deux de mes axes de recherche : l’hybridation et l’œuvre collaborative. Et comme souvent dans ma démarche, je cherche à créer un lien direct entre la musique et le corps, en faisant coïncider pulsation rythmique et mouvement organique, jusqu’à parfois un effet hypnotique.
Partant de l’œuvre de Nijinski, ce (S)acre pose la question essentielle de la présence des femmes, de leur force, face à une domination multiséculaire des hommes. Prenant le contrepied de la pièce originelle, cette création fait émerger une communauté de douze interprètes pour montrer non pas une Elue - vierge, sacrifiée - mais des « Elues » qui évoquent la résistance des femmes. Ces femmes incarnant ainsi un groupe de « sœurs » qui survivent malgré la puissance qui s’exerce contre elles. Cette résilience qui se noue via cette sororité trouve son écho dans le milieu naturel : là où les femmes sont opprimées par l’homme, la nature est mise à mal par l’humanité.
La nature sera donc représentée sur scène par un paysage de type «rudéral», soit une nature minimale qui revient là où elle n’était plus, en analogie à cette résistance féminine qui traverse les époques.
Cette pièce conjugue ainsi l’envie de penser une infinité de croisements entre un rythme ritualisant, sorte d’appel universel de cette nécessité d’être, propre à la composition originale de Stravinsky et le live d’un groupe féminin rock, en passant par des paysages de corps végétaux, déployés comme des rhizomes.
Entre confusion des corps et résurgences du rythme tribal, Sacre célèbre, convoque et fait danser les mouvements d’une nature qui reprend ses droits sur les constructions contemporaines.
David Drouard
16, place Stalingrad 92150 Suresnes
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