Elles sont sœurs et âgées. Un peu tassées peut-être. Arrondies par le temps. A la mort de leur mère (quatre-vingt dix-sept ans), Annette et Bernadette réalisent qu’elles n’ont jamais revu la tombe de leur père, enterré vingt-cinq ans plus tôt du côté du Nord. Elles décident alors de partir comme à l’aventure, embrasser papa et lui dire que maman est morte.
Les petites dames vont et viennent, du crématorium au cimetière. Les petites dames qui sont en deuil, qui trimballent les cendres de leur mère, tout en chantant, en se souvenant, en se querellant, accomplissent leur périple. Pierre Notte après nous avoir livré en pâture les mères, les fils et les filles, nous présente ces sœurs, gouailleuses, rigolotes, reconnaissables et leur offre une partition nickelle, assortie comme à son habitude, de ritournelles douces-amères. Les répliques qui sont « en bouche », en rythme, en assonance, bref musicales, qui sont écrites pour les actrices, sont « vraies », font mouche, font rire. Pierre Notte connaît sur le bout des doigts les règles de la comédie : on s’y retrouve, on s’y reconnaît, on pouffe, on ouvre la bouche, on cligne des yeux. On est ému. On est « touché ». On rit tout bas ou tout haut. On a hâte de voir, sur la scène ces « dames-là ». Le théâtre, une fois encore, a atteint son but. Il est bien le « laboratoire des conduites humaines » (Antoine Vitez), la reconquête de la mémoire des hommes, le grand rassemblement des figures familières.
Philippe Minyana
2, passage du Bureau 75011 Paris