Antoine Brignole de Barbaro, un escroc, démarche des vieilles dames dans le but de leur vendre des sépultures. Il se rend chez Dulcinée Del Tabasco, une concierge, avec en main le fameux contrat : « Ciel bleu et éternité ».
Mais celle-ci se montre difficile à manoeuvrer. Se pourrait-il que Dulcinée ait des intentions cachées, elle aussi ?
Cabé signifie, dans la langue de Dulcinée Del Tabasco, mort. Nous pouvons donc traduire « même pas cabé » par « même pas mort » ! De rebondissements en rebondissements, d’horreurs en horreurs, qui se rendra maître de la situation ? Comment feront-ils pour se sortir des griffes, des pièges tendus par l’un et l’autre ? Qui finalement gagnera cette partie engagée dans une ronde comique et cruelle ? Mais qu’est-ce que le théâtre sans cruauté ? Une mièvrerie sans nul doute !
De toute manière, il est certain que nous ne souhaiterions pas croiser sur notre route ces deux affreux pleins d’imagination ! Pour conclure, il faut citer Paul Léautaud dans son journal littéraire : « Je n’ai rien vu de grand dans la vie que la cruauté et la bêtise. »
Il serait raisonnable qu’être un penseur eût tout de même ambition continue à vouloir nous montrer « l’homme » tel qu’il est sans jamais le juger et ainsi tenter de nous le faire deviner un peu plus, un peu mieux.
J’aime cet Eric Herbette, celui-ci qui, des Géométries de l’âme en évoquant Les Pensées de Pascal à Même pas Cabé mettant en scène la quintessence de l’ignoble, parvient à saisir le quotidien dans toutes ses couleurs. Cette fois-ci, il s’agit de destins médiocres, d’ambitions mesquines.
Ici, animés par une verve gouleyante où se côtoient mots nouveaux, synecdoques et aphorismes, nos deux protagonistes nous ouvrent les portes de l’humanité profonde. La vraie, celle des petites histoires qui forment notre histoire, celle qui situe ses profondeurs entre une table et une armoire, celle où la vie est une tentative sordide et drôle, celle où « l’homme » coupable et victime se perd dans un univers devenu inconscient et où pour se sentir simple vivant il invente d’improbables combinaisons.
Mettre en scène cette formidable broderie, c’est donner toutes les marges et les espaces précis et nécessaires pour que cette lumière parfois sombre nous parvienne et nous touche. C’est parvenir à poser cette réalité dans un mouvement constant où l’action se dissout dans un langage parfois proche de l’argot de pucier et dans lequel l’imaginaire parvient à conserver le charme du réel.
Vincent Auvet
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