La Répétition

• Entre cour et jardin

Il y a, gravitant au sein même de cette joyeuse galaxie – la compagnie Beau Geste et son meneur de troupe Dominique Boivin – Philippe Priasso, danseur et pédagogue. On lui doit cette création, La Répétition, s’adressant à un public jeune – mais pas seulement.

La Répétition se veut une conférence dansée conçue par Philippe Priasso pour un trio de "fortes" têtes, Bérengère Fournier, Aurélien Leglaunec et Marta Mella : on y aborde l’élaboration d’une création dans ses différentes étapes.

Et on répond à des questions aussi évidentes qu’hélas le plus souvent sans réponse pour le spectateur béotien : Comment le chorégraphe choisit son danseur ? Qu’apporte l’improvisation ? Pourquoi ralentir ou accélérer ?

"Cette pièce ouvre une fenêtre sur ce laboratoire où se fabrique, avec l’aide des danseurs, un travail chorégraphique en pointant la réalité du travail en studio : un espace-temps riche d’humanité et d’imaginaire", dit Dominique Boivin.

"C’est flanquer un coup de pied au lieu commun qui insiste trop sur l’image du chorégraphe comme maître absolu de la création. Sans chercher une démarche trop didactique, il s’agit bien, sous notre regard distancié, de mettre en scène notre propre danse et la façon dont elle se construit", ajoute-t-il.

Ce petit précis de danse en train de se faire se veut alors une porte ouverte sur ce monde à part, la création, et à sa manière amusée démystifie une fois pour toute la figure par trop figée du chorégraphe.

Le jeune public ne manquera pas d’adopter cette "répétition" sous forme de spectacle. Bien vu.

Ph. N.

• Note du chorégraphe

Après avoir ouvert notre livre de recettes pendant huit ans avec Mécaniques, il était temps de rentrer en cuisine pour montrer enfin au public nos différents modes de préparation.

En effet, le choix d’un thème, celui des interprètes, la diversité des langages esthétiques ainsi que les nombreuses questions voire les difficultés que pose la réalisation d’une idée jusqu’à ce qu’elle prenne corps, sont quelques-uns des éléments qui constituent la matière du dernier spectacle pédagogique de Beau Geste, La Répétition.

Sa forme est contenue dans son titre avec le périlleux défi de rendre compte de l’énergie et du foisonnement avec lesquels danseurs et chorégraphe partagent cette étape. Tout en exploitant librement les multiples directions qu’un tel sujet propose, je me suis, par ailleurs, fixé trois contraintes : le choix d’un sujet pour l’invention chorégraphique, l’écriture de dialogues pour le déroulement de la répétition proprement dite et la collecte des réactions spontanées, des doutes, des erreurs, des questionnements dépressifs et « déraillages » en tout genre liés à la création.

Les dialogues ont servi de support à l’enregistrement dans le Dancing, lieu de répétition de Beau Geste, d’un scénario sonore qui a tenté de restituer la spontanéité de chacun dans un environnement familier et propice au travail chorégraphique.

La violence, l’exclusion, le bouc émissaire et la position de victime dans notre société ont constitué le menu pour le service duquel j’ai invité une autorité en la matière : le vilain petit canard.

Ce conte ne devait être qu’un prétexte à répétitions, mais les différents niveaux de lecture qui se sont imposés en ont décidé autrement jusqu’à ce que le sujet lui-même vienne contaminer la pièce et ses protagonistes, avec son lot de chicaneries et d’agressivité banales, vagues « répétitions » quotidiennes, elles aussi, des scénarios de violence rejoués à une autre échelle et dans d’autres cours...

Etre ou ne pas être le vilain petit canard… Puisse ce spectacle remplir la fonction pédagogique pour laquelle il a été conçu et au-delà, interroger chacun de nous sur le rôle que l’on s’attribue dans notre relation à autrui.

Philippe Priasso