Avec Harmonia Caelestis et Wozzeck, présentés la saison dernière à la MC93, le public français a découvert David Marton. Le premier de ces deux spectacles a été créé au Burgtheater de Vienne. Spectacle intensément musical, Harmonia Caelestis magnifiait paradoxalement l’art théâtral. Un théâtre sur lequel soufflait le vent de l’histoire, puisqu’il contait avec un humour dérisoire et féroce l’histoire d’une des plus grandes familles d’Europe, les princes Esterházy. Le second, Wozzeck, était d’une toute autre facture.
Créé dans une salle minuscule, le Roter Salon de la Volksbühne de Berlin, il concentrait l’oeuvre avec trois interprètes, pas un de plus, et c’est sa puissance théâtrale qui faisait exploser l’opéra d’Alban Berg. De notre rencontre avec ce jeune artiste, Hongrois vivant à Berlin, inventif, généreux, boulimique, pianiste et metteur en scène invité sur les plus grandes scènes d’Allemagne et d’Autriche, est né le désir d’une collaboration, un désir partagé.
Un projet lui tenait à coeur depuis longtemps : créer du théâtre à partir du Clavecin bien tempéré. Cela nous semblait une telle gageure que nous avons spontanément accepté le défi parce que cette oeuvre est un des fondements de la culture de ce continent.
Étape clé dans l’histoire de la musique en Europe, ce qu’on appelle le « tempérament » est un système qui a permis aux différents instruments de jouer ensemble, sans avoir à se réaccorder ou changer d’instrument en cours de concert, voire d’une ville ou d’un pays à l’autre. Jean-Sébastien Bach eut l’idée, en suivant cette théorie, d’ajouter dans la gamme un tout petit neuvième de ton. Avec une précision mathématique, le compositeur développe toutes les potentialités qu’offre alors ce découpage de l’octave en intervalles égaux. Comme toute révolution, cette remise en cause de la tonalité naturelle n’est pas d’emblée acceptée par tous : le nouvel ordre musical fait polémique et ne s’imposera que progressivement.
De cette organisation, cependant, naissent sans cesse des audaces harmonieuses inédites. Bien avant l’avènement du « Je » de la musique romantique, c’est précisément par la rigueur d’un système que Bach dévoile de nouvelles possibilités pour l’expression de la subjectivité. Pour Marton, musicien de formation, c’est en cela que réside le potentiel théâtral de l’oeuvre : ses mises en scène s’ordonnent littéralement à partir des structures musicales. Dans l’organisation chromatique régulière de l’oeuvre, l’entrelacs de thèmes et de mouvements entre la fugue et le prélude, et le flux de lignes mélodiques indépendantes possèdent une énergie propre ; sur la scène, cette énergie est musique, mais aussi récit.
9, bd Lénine 93000 Bobigny
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