Spectacle de marionnette pour la famille.
Le projet : un chassé-croisé de metteurs en scène
Les mises en scène
Parti-pris
Le revenant
Polichinelle retiré du monde
Pierrot contre la pâtissier
Extrait de Polichinelle retiré du monde
La presse
Le théâtre sans toit
Ce n'est pas une formule de rhétorique, au théâtre de marionnettes l'acteur met sa marionnette en scène. Au sens propre. Il pose la marionnette sur scène, dans le castelet, et l'anime. Acteur et metteur en scène ne font qu'un. Distance et proximité, dans le domaine de la marionnette, réfractent les facettes des points de vue inhabituels sur le théâtre ou sur les œuvres.
En proposant la création de Castelets de Fortune, Pierre Blaise a voulu prendre au mot ces réflexions. Les mettre à l'épreuve. Il fallait égratigner la hiérarchie conventionnelle du métier, admettre une autonomie importante des artistes, faire une "mise ensemble" plutôt qu'une mise en scène.
Les Castelets de Fortune sont agencés à la façon d'un triptyque. Les trois spectacles peuvent néanmoins être donnés de façon autonome. Les pièces ont été choisies dans le répertoire du "Théâtre des marionnettes par Duranty". Chacun des metteurs en scène s'en est approprié une : Nicolas Quilliard Le revenant, Eric Malgouyres Polichinelle retiré du monde et Gilbert Epron Pierrot contre le pâtissier.
Ce manège proposé sous la responsabilité de Pierre Blaise s'inscrit dans le prolongement d'expériences atypiques comme La Nourrice du Hibou et dont la contrainte ludique a suscité des fantaisies hallucinées comme La Boîte de Gilbert Epron.
L'essentiel de ce projet est dans l'impression d'impromptu qu'il devra laisser au public. Et par conséquent dans la diversité, la légèreté et l'ingéniosité des formes utilisées.
Pour l'équipe des Castelets de Fortune, le castelet "est" marionnette.
La création échappe, au moins dans un premier temps, à la forte induction de la marionnette à gaine en castelet que supposent les textes de Duranty. Le décorum du théâtre de l'époque n'est pas restitué.
Plus que la forme, c'est le ton sans concession et le fond d'analyse tragi-comique qui a séduit les metteur en scène chez Duranty. Il leur a fallu partir du théâtre - en paradoxe à l'intitulé "castelets de fortune" - , sans monter chacune des pièces avec la certitude que la marionnette permet de décupler les possibilités physiques du jeu de l'acteur.
Louis-Edmond Duranty, né en 1833 à Paris, a écrit son premier ouvrage à l’age de 27 ans. En 1861, il crée une ribambelle de personnages féroces qui s'agiteront trois ans dans son castelet des Tuileries. Journaliste, critique d’art, auteur de plusieurs romans et essais, il a recueilli et publié les histoires du répertoire de Guignol et de Polichinelle dans un ouvrage, Théâtre des marionnettes par Duranty.
Les textes :
Un jardinier défend son jardin contre des maraudeurs. Il dresse des épouvantails, ou se déguise en fantôme. En vain : deux oiseaux pique-assiette, Pierrot et Polichinelle, ne sont dupes qu'un temps. La poudre à canon parlera donc. Mais la charge est trop forte, et le monde explose !
Il semble que le monde de Duranty soit gravé comme un disque qui tourne sur le dernier sillon, la dernière rengaine d'un jardin qui s'étiole. L'épouvantail dressé comme un drapeau guenille joue un rôle dissuasif bien dérisoire. Ce fanion éphémère marque un territoire incertain, un monde usé.
Le voisinage entre la marionnette et l'épouvantail nous incite à un choix de fortune dans la construction des effigies : moyens rudimentaires, matériaux et objets hétéroclites. Nous conjuguerons "mal fichu" et "bien fagoté" pour approcher d'une esthétique proche de l'art brut. Croix de bois, croix de fer, si je… Nous jouerons de l'épouvante comme de l'épouvantail pour exorciser et chasser toute morale trop définitive.
Polichinelle s'est cloîtré dans un tonneau ! Profitant de la crédulité de son entourage, ce faux Diogène le détrousse sans vergogne. Puis il désabuse chacun à coups de bâton. Mais Polichinelle apprendra que "se retirer du monde" n'est pas sans conséquence : en grand danger de perdre son âme usurpée par un acteur, il en sera quitte pour une grosse frayeur.
C'est bien de cynisme dont il est question dans cette parade philosophique. A travers le personnage de Polichinelle, la tentation scénique est d'éprouver un corps à corps entre le masque originel, la marionnette traditionnelle et le comédien qui les anime. Pour la mise en scène, les "joueurs" useront d'un morceau de tissus, de trois bouts de cartons et de ficelles pas trop grosses… Nul doute que le théâtre sera au rendez-vous.
Le pâtissier veut dissimuler sa fortune aux convoitises de Pierrot. Sa peur du larcin devient obsessionnelle. Et elle décuple le malin plaisir que Pierrot éprouve à le voler. Le pâtissier sera-t-il roulé dans la farine ?
Une manipulation sur la table même du pétrin.
Table de jeu où les marionnettes se construisent, se détruisent, se dévorent à vue.
Ce qui est montré c'est d'abord la rivalité entre Carême et Carnaval, les maigres et les gros, les pauvres et les riches. Puis une image Rabelaisienne : un ventre trop rebondi qui génère ses propres fantômes, ses propres tourments. Comment construire devant le public une hallucination, un combat de boxe contre soi-même ?
Cassandre : Ah ! mon pauvre ami, il nous est arrivé un bien grand malheur ! Polichinelle ne veut plus frayer avec nous ; il est là, dans ce tonneau. Rien ne peut plus le ramener, il résiste à toutes les offres.
Le charcutier : Vraiment ?
Cassandre : Nous le prenions autrefois pour un scélérat, maintenant c'est l'austérité, la mortification, la macération même : aucune tentation ne le séduit. On peut se donner le plaisir d'avoir l'air d'être son ami sans que cela coûte rien, et il est doux, humble, reconnaissant à miracle !
Le charcutier : Parbleu ! je veux être de ses amis, à mon tour, puisque cela n'a plus d'inconvénients. Je vais lui offrir mon jambon.
Cassandre : Oui, oui, il refusera, vous embrassera et vous promettra de prier pour vous. Allez ! Allez vite !
Le charcutier : Monsieur Polichinelle !
Polichinelle : Vous vous êtes donc donné le mots ?
Le charcutier : Aïe ! il a encore de la vivacité… Je vous dérange, peut-être ?
Polichinelle : Je ne veux plus voir personne… Qu'est-ce que tu portes donc là ?
Le charcutier : C'est un jambon que…
Polichinelle : Pouah ! quelle horrible chose ! Je n'aime que le pain noir.
Le charcutier : Il faut revenir parmi nous, je vous donnerai ce jambon.
Polichinelle : Je n'en veux pas.
Le charcutier : C'est égal !
Polichinelle : J'en ai horreur ! Je te donnerai une bonne poignée de main.
Le charcutier : Avec plaisir.
Polichinelle : Il faut cacher cela, la vue m'en déplaît.
Le charcutier : Hé ! hé ! mon jambon !
Polichinelle : Va-t'en avec tes pareils, coquin, je suis retiré du monde.
Le charcutier : Ah ! le scélérat ! Il est retiré avec mon jambon. Il m'a dupé, mais je ne veux pas qu'on le sache et qu'on se moque de moi. Voici le Gendarme, je vais l'envoyer au
tonneau.
La Compagnie du Théâtre Sans Toit propose Les Castelets de Fortune, un triptyque construit à partir d'histoires tragi-comiques d'Edmond-Louis Duranty, écrites à la fin du XIXème siècle.
Avec des petits cubes de bois empilés, des tissus, des morceaux bruts, ils construisent de petits mondes miniatures, humoristiques et décalés, qui renvoient un miroir ironique et drôle de ce que nous sommes. Le Figaroscope, Dominique Duthuit
S’adressant aux enfants d’abord, le Théâtre Sans Toit propose aux adultes la redécouverte d’une des formes les plus inventives du théâtre contemporain.
Le Théâtre Sans Toit est un outil de création. Comme tel il se risque à l’expression d’une recherche artistique exigeante, mais toujours accessible. Il s’enrichit du talent et de la personnalité des nombreux artistes (acteurs, décorateurs, techniciens) qui l’animent et le renouvellent chaque saison.
En marge de ses créations, Le Théâtre Sans Toit développe des programmes d’information et d’initiation aux marionnettes. Il se veut promoteur de rencontres autour de cet art. C’est l’enjeu de manifestations comme La Nourrice du Hibou ou Les Castelets de Fortune qui, de façon ponctuelle, rassemblent d’autres artistes et d’autres publics.
16, rue Georgette Agutte 75018 Paris