La danse de Martine Pisani interroge la liberté et la pertinence du mouvement en une poésie alerte, dénonçant les stéréotypes attachés à la représentation. Elle s'amuse à déjouer le spectaculaire, épinglant le vain artifice de la prouesse en autant de pirouettes ironiques.
Aller à l'essentiel. Chercher à valoriser la qualité d'une présence plutôt que de recourir aux artifices de la représentation. Trouver des actions concrètes pour la scène. Les juxtaposer. Les mettre en correspondance en prenant soin de ne pas en réduire le sens... Avec discrétion, sans trop de bruit, si Martine Pisani a su affirmer une posture et un langage bien singuliers, elle a aussi su les doubler d'une véritable poétique du geste dansé.
Nourrie de ses rencontres successives - David Gordon, Yvonne Rainer ou encore Odile Duboc, qu'elle cite volontiers comme les plus marquantes -, de sa participation aux activités du groupe Dunes à Marseille, la danseuse autodidacte des années 80 devient chorégraphe au début des années 90 en fondant La compagnie du solitaire. Pièce après pièce, elle travaille par ricochets et par rebonds, s'attachant le plus souvent à creuser une piste dont le potentiel n'aurait pas été suffisamment exploré lors d'une étape précédente. Elle adopte rapidement comme postulat que le simple fait de réfléchir est déjà une action. Cohérente, elle garde aussi toujours à l'esprit qu'il y faut du jeu pour mettre les corps et la réflexion en mouvement. C'est avec ce détachement caractéristique que Martine Pisani cherche l'espace entre. Elle cherche l'espace nécessaire pour que le sens reste ouvert. Entre être et jouer, elle cherche la bonne distance. Et elle démontre que pour savoir jouer, il faut parfois s'y prendre avec sérieux.
Avec Sans, inénarrable trio masculin créé en 2000 avec le concours de Théo Kooijman, Laurent Pichaud et Olivier Schram, Martine Pisani prend encore une fois le parti de s'attacher à la rencontre plutôt qu'à la théorisation. Ici, pas de décor, pas de musique, pas de dramatisation. Pas de narration psychologisante. Sur un plateau dégagé et silencieux, les trois hommes apparaissent livrés en proie à de continuels rebondissements. Leur aventure est passablement cocasse : entre retraits, hésitations et autres faux pas, ils semblent faire face à une succession de ruptures... à moins qu'ils n'interprètent un enchaînement de transitions.
David Bernadas
76, rue de la Roquette 75011 Paris