Comment traiter ces visions contradictoires sans basculer dans une lecture univoque ? Révéler leurs facettes en miroir ? Dessinant dans les corps des zones de trouble, de violence, des lignes d'utopie, Mélanie Demers déconstruit progressivement les mécanismes qui forment cette opposition, pour chercher la part de réversibilité contenue dans chaque situation.
Ce sont cinq danseurs, cinq microcosmes en friction qui parcourent un monde instable, balançant entre rêve et cauchemar. Un univers familier et inquiétant, gagné par l'irréalité, où les corps se rencontrent, s'affectent, se déchirent, traversés par des états de tension extrême, de légèreté, de folie. Sur scène, toute position est soumise au glissement : les images se télescopent, se recouvrent par dépôts successifs, comme des lignes brisées faisant peu à peu dérailler la mécanique des corps.
Au gré des alliances, des ruptures, des confrontations, «dépotoir » et « paradis » s'emboîtent comme deux faces d'une même aporie – métaphores qui nous renvoient du dehors un reflet déformé. Les passions, les peurs, les impulsions destructrices qui agitent chaque individu entrent en résonance avec des questions plus vastes, l'injustice, les rapports entre nord et sud, pauvreté et opulence.
À l'origine, le mot paradis signifie « jardin clôturé ». Au long de leurs variations, les danseurs nous entraînent dans leur tentative de percer des brèches, d'ouvrir ce paradis obstrué.
Gilles Amalvi
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