Léo Messe et Ted Bastaro ont écrit en duo leurs sketches d’une acidité très efficace, un côté "déjanté" et un comique réjouissant. C’est rapide, ça file, ça tape dans le mille, le jeu d’acteur est jouissif.
Qu’ils soient puissants ou misérables, blancs ou noirs, les personnages qu’ils mettent en scène sont immédiatement campés et renvoient à l’actualité. Supporters sportifs idiots et commentateurs prétentieux, présentateur télé soumis et stars insupportables, contractuelle maladroite, juge impartial et petit malfrat rusé, la palette est large, colorée et figurative. Une vision incisive de nos contemporains empêtrés dans leurs paradoxes.
Ce duo est sur la bonne voie pour devenir incontournable. Ils ne sont ensemble que depuis peu, leur spectacle a une dizaine de représentations à son actif et pourtant ce qu’il nous ont donné à voir est d’une belle qualité. Marchant sur les traces d’illustres aînés, les Inconnus, ils proposent un spectacle fait de saynètes traitant, bien évidemment, de faits de société. Chaque sketch est conçu comme une pièce en un acte, avec ambiance, costumes. L’un est blanc, l’autre est noir, ce qui permet de tout oser, comme la chorégraphie sur "Tout est fini entre nous", entre un CRS et un immigré, le sketch du "pas de… pas de…". Et comme ils sont très "télévisuel", il est évident qu’ils ont un bel avenir devant eux.
Marie-Céline Nivière, Le Pariscope, juin 2006
Pour parler d’eux, Marina Foïs ne sait jamais par lequel elle doit commencer : Messe ou Bastaro ? Bastaro ou Messe ? Le black avant le Blanc, le yin après le yang,ou l’Alsace avant la Lorraine ? Il n’y a pas d’ordre qui tienne. Car, pour jouer efficacement leur One-man-show à deux, titre de leur spectacle déjanté au Théâtre Clavel, les deux trublions sont indissociables. Comme le dit Edouard Baer, leur parrain : "C’est comme quand Groucho rencontre Marx ou quand Chaplin trouve Charlot… Sauf que là, ils sont vraiment deux. Ils mettent du soleil dans le cœur, ils ont de la folie,du talent, ils euvent tout jouer."
On a donc vérifié. C’est sûr, Léo Messe et Ted Bastaro, comme le vin et le fromage, on ne peut pas les séparer. Sur nombre de sketches, le spectacle est à la hauteur du propos d’Edouard Baer. Ils se révèlent d’excellents comédiens et donnent souvent dans la performance. Tous deux se régalent à camper tour à tour des présentateurs TV débilitants et racoleurs ; des supporters sportifs niais ; une contractuelle hystérique, maladroiteet aigrie ; un petit malfrat qui donne dans le rebelle et pratique la ruse à haute dose ; ou encore des gars de province étranglés dans leur petite vie.
Le trait du portrait ou de la caricature est souvent juste, Léo Messe fait preuve d’une vivacité et d’une vision au scalpel de personnages qu’il campe admirablement. Ted Bastaro sait sait comme personne lui tendre les bonnes perches et amener les nuances nécessaires. Chacun joue sa partition, tels l’auguste et le clown blanc. Ils devraient cependant faire preuve de plus de rigueur dans l’écriture de certains sketches ainsi que dans leur mise en scène. Le show en deviendrait plus efficace. Car,si Messe et Bastaro ont pour bagage un talent qui devrait être vite remarqué, ils arrive que certains de leurs sketches traînent la patte, faute d’exigence.
Delphine de Malherbe, Le Journal Du Dimanche, dimanche 2 juillet 2006
L’humour vif argent de Messe et Bastaro
Blonde, zélée et aux couleurs des Antilles, la contractuelle qui déboule sur la scène du Clavel, pour interpeller unautomobiliste un peu dépassé par les événements, met immédiatement le public dans le bain. Dans le spectacle de Messe et Bastaro, l’humour est puissant, frappe à yous les niveaux – sauf les plus bas – et vous emmène dans de nombreux univers. En duo efficace, Léo Messe et Ted Bastaro ont un regard acéré sur le monde des supporters sportifs un peu idiots et des commentateurs prétentieux ou des stars insupportables.
Les sketches s’enchaînent, vifs, avec des personnages bien campés. Misérables ou puissants blancs, Blancs ou Noirs, peu importe, le jeu des acteurs est varié (ils chantent, dansent, miment), précis et jouissif. Le petit blanc et le grand black frappent drôlement fort.
Corinne Nèves, Le Parisien, samedi 8 juillet 2006
Ce spectacle propose un regard tendre, critique et surtout très drôle sur nos contemporains incarnés par Messe et Bastaro.
Imaginez un CRS courant au ralenti derrière un sans-papiers, l’étreignant puis l’arrêtant langoureusement avec des menottes, sur fond de Lara Fabian. Dans cette scène insolite, le sans-papiers, c’est Ted Bastaro,et le CRS Léo Messe. Ils ont écrit et mis en scène ensemble ce One-man-show à deux, où se succèdent à une allure effrénée dix sketchs aussi hilarants que cruels. Chronique du racisme ordinaire ou critique acerbe des médias, les deux comédiensse jouent aussi des petites manies langagières des jeunes de banlieue et des provinciaux. En une heure dix, ils épinglent un à un petits et gros travers de notre société.
Comédiens professionnels, formés au cours Florent, c’est la première fois qu’ils s’attaquent à l’écriture d’un spectacle comique. "Nous avons mis près de deux ans entre le moment où on a eu l’idée et la mise en scène. Nous sommes des théâtreux. Mais nous voulions nous rapprocher du théâtre populaire" explique Léo Messe.
Le jeu de scène est précis, les dialogues ciselés comme cette scène entre une pervenche d’origine antillaise un peu trop zélée et un automobiliste un poil agressif : "Bien on disait donc : délit de fuite, corruption de fonctionnaire, délit de faciès, stationnement en double file, stationnement devant une maternité… La Franceon l’aime ou on la quitte." Il y aussi cette entrevue entre Bardaoui, le jeune délinquant revendeur de téléphones portables, mineur sans le savoir, et le procureur mégalomane redresseur de torts.
A chaque réplique, les idées reçues se succèdent pour mieux leur tordre le cou. Exemple frappant avec ce journaliste sportif qui veut à tout prix inventer une vie de souffrance et d’exil à un joueur de foot noir, qui, en fait, a toujours vécu "à Bourges dans le Cher".
Plus acide encore, le sketch intitulé "Pas de… Pas de…". Il met en scène en candidat noir, Saturnin de la Morandière, originaire de Maubeuge, qui vient jouer sur le plateau et se fait humilier par le présentateur. "Lorsqu’on écrit des textes, on ne peut pas se défiler. Moi, qui suis d’origine antillaise, nous savons ce que c’est que de se faire insulter. On est d’autant plus à l’aise pour tourner en dérision ce racisme."
Les deux complices mouillent la chemise. Le marathon pour eux est un excellent moment de divertissement pour nous. A découvrir très vite.
Ixchel Delaporte, L’Humanité, vendredi 28 juillet 2006
3, rue Clavel 75019 Paris