Livret
Texte Serge Rezvani
Texte Mona Heftre
Chansons de Rezvani interprétées par Mona Heftre accompagnée au piano par Gérard Daguerre. Un disque-livre produit par Actes Sud Sortie le 5 juin 2000. Cet ouvrage au format CD comprend : le parolier complet des 72 chansons écrites et mises en musique par Rezvani, le compact disque des vingt plus belles chansons damour interprétées par Mona Heftre accompagnée au piano par Gérard Daguerre.
La ligne de chance
Vague vague
Tantôt rouge tantôt bleu
Les mensonges
Le Tourbillon
Je ne suis fils de personne
La fenêtre à tabatière
A travers notre chambre
Jamais je ne t'ai dit...
Ni trop tôt ni trop tard
Notre folle jeunesse
Les mots de rien
Les mainssur les tempes
L'étoile du soir
Les autoroutes
Anonyme
Les wagons longs de lit
Tout morose
Bal à Boudoudioulasso
J'ai la mémoire qui flanche
Avant tout, je dois dire que la salle Gémier est un lieu qui, pour moi, se trouve déjà chargé de bien fortes émotions : c'est là que dans les années 70 la compagnie Vincent-Jourdheuil créait ma première pièce Capitaine Schelle, capitaine Eçço. Qu'aujourd'hui donc - trente ans après - Mona Heftre ressuscite, dans cette même salle, tant de chansons faisant partie de "notre folle jeunesse" me fait remercier ces sortes de contradictions du temps qu'invente parfois la vie. Par le talent si rare et merveilleux de Mona j'ai eu la félicité de découvrir, oui, moi, leur auteur ! ces chansons qui s'étaient comme assoupies dans ma mémoire. Jamais mes mots n'ont été habités avec tant d'intelligence et de sensibilité ! Seuls les grands artistes, ces funambules de l'art, prennent le risque d'être "simples" et y réussissent. C'est ici le cas. Je saisis ici loccasion pour dire merci au chant de Mona, ainsi qu'à Gérard Daguerre dont le piano apporte un surcroît de fraîcheur à cette voix que Lula et moi aimons et admirons.
Ces chansons, que Mona Heftre chante aujourdhui si merveilleusement, datent des années soixante. Leurs paroles et leurs musiques sont venues ensemble, dans un même mouvement de félicité, en contrepoint des jours vécus avec celle qui les a inspirées et que dans mes romans autobiographiques jai nommée Lula.
Pour la plupart, dailleurs, ces chansons sont un peu comme le journal chanté de ma vie avec elle, la femme de ma vie. Elles nous disent. Elles disent lémoi de la première rencontre ; lémoi de se découvrir et davoir le privilège de vivre ensemble.
Donc elles seraient en quelque sorte un chant naturel venu de lui-même avec facilité, bonheur, facétie. Je les ai composées sans y penser vraiment, la musique portant les mots, poussé presque malgré moi par le besoin vital de fixer mes émotions, de dire sur un mode inattendu venant du peintre que jétais mon amour pour cette femme... et aussi par la joie de partager ces moments de félicité avec les amis qui nous entouraient.
Ainsi elles ont prolongé, sans que je men rende compte sur le moment, ces années de mon enfance russe où le chant jaillissait spontanément comme une forme dexpression naturelle et même indispensable à ces déplacés qui, de cette manière, fixaient ces fameux "rires parmi les larmes" de la nostalgie dun monde perdu. Voilà pourquoi certaines de ces chansons disent les rires et les larmes dun présent que lon sait déjà irremplaçable et lui aussi continuellement perdu.
Après trente années dune sorte de légère amnésie envers elles, aujourdhui quelles sont chantées avec tant dintelligence et de sensibilité par Mona, jai la joie surprenante de les recevoir telles des chansons jamais entendues, et surtout, aussi neuves que si elles étaient dun autre que moi.
Et en même temps, je me retrouve subitement plongé dans le climat délicat des émotions intimes qui mont poussé à les composer, comme si, après ces trente années de vie et de création passées loin de ces chansons, elles me revenaient pour se superposer exactement à mon aujourdhui avec la présence dun parfum qui vous emplirait soudain non seulement de sa senteur mais aussi de tout ce que ce parfum a, en quelque sorte, coloré autour de lui par sa subtilité.
Telle est la force dune chanson ! Je mesure là à quel point elle peut retenir en elle "le temps perdu" dans toute sa fraîcheur. Oui, ces chansons sont avant tout des moments dexistence. Elles furent improvisées et à la fois "travaillées" dans cette fraîcheur du sensible. Pendant la dizaine dannées où je les composai, jamais je naurais pensé quelles dépasseraient le cercle de ceux auxquels je les dévoilais par amitié et par jeu. François Truffaut et, grâce à lui, Jeanne Moreau furent leurs divulgateurs amicaux.
En les redécouvrant aujourdhui, dans la si profonde interprétation de Mona, je métonne dy trouver à travers cette profondeur, comme ébauchés, la plupart des thèmes qui par la suite se sont élargis chez moi au théâtre, aux écrits autobiographiques et, pour finir, aux romans.
Et ce que je trouve exceptionnel dans cette rencontre entre Mona et mes textes-musiques, cest lextraordinaire simplicité je pèse le mot dans sa sublime dignité , oui, ce que je trouve unique dans cette toute nouvelle création quen fait Mona, cest la simplicité dart qui ressort de son travail de chanteuse et de comédienne car pour atteindre si profond à lémotion, pour remplir chaque mot, chaque inflexion "dindicible", il faut avoir cette "âme" ainsi a-t-on nommé le mystérieux sortilège de la simplicité que lon attend principalement de certaines interprétations des lieder de Schubert, par exemple. En cela, Mona est soutenue par le subtil et schumannien pianiste Gérard Daguerre qui, lui aussi, a su aller à cette limpidité tellement rare aujourdhui dans lart si particulier de ce que lon a nommé : la chanson.
Serge Rezvani
P.-S. : Si au moment de la première divulgation de mes chansons je métais décidé à prendre Bassiak pour pseudonyme, cétait dans le souci de garder un certain retrait... et donc autant que possible éviter dentrer dans la "profession" dauteur-compositeur, avec tous les engagements médiatiques que cela pouvait supposer à lépoque de Jules et Jim ou de Pierrot le Fou. Bien sûr, aujourdhui, je revendique avec bonheur, et en mon nom décrivain, ces prémices dune écriture autobiographique et romanesque plus poussée qui, depuis, a si bien rempli ma vie.
Pendant la présentation de Noir et blanc, récital cinématogaphique présenté dans le cadre du Centenaire du Cinéma en 1994, je cherchais des chansons de films.
Dans Pierrot le fou, de Jean-Luc Godard, Anna Karina chantonne, en virevoltant autour de Belmondo qui la suit des yeux amoureusement, une jolie chanson légère, presque enfantine sur léternité de lamour. Cette chanson, Jamais je ne tai dit que je taimerai toujours, ô mon amour, ma immédiatement conquise. Lauteur en est un certain Bassiak.
Bassiak, pseudonyme de Rezvani, est un poète, un peintre, un écrivain et un auteur de théâtre, que jai depuis lu et relu. Des Années Lula au Testament amoureux, il parle de lamour fou qui lunit à sa femme Lula.
Il a écrit quelque soixante-dix chansons dont il dit lui-même : " ...Ce sont des moments de vie, venus dans lamusement, toutes furent improvisées pour le plaisir, ce sont des chansons damateur, pas une seule ne fut composée dans un but, ni pour qui que ce soit, plusieurs dentres elles comme le Tourbillon ou La mémoire qui flanche (chantées par Jeanne Moreau), ont été intégrées dans des films, ce fut une bonne surprise. "
Faire découvrir aujourdhui ces chansons, chansons damour improvisées pour sa femme, chansons pleines de fantaisie pour amuser ses amis, cest un peu pénétrer dans lintimité de ce couple qui sexila dans le midi, cest chanter cet amour fou qui dure depuis 1950 quand Rezvani rencontre Lula un soir de décembre à Paris.
Mona Heftre
une des plus belles chansons du répertoire français hélas trop méconnue interprétée magistralement par Mona
Pour 1 Notes
une des plus belles chansons du répertoire français hélas trop méconnue interprétée magistralement par Mona
1, Place du Trocadéro 75016 Paris