Tout d'abord on ne voit rien... un comble pour un spectacle chorégraphique! Les seules
perceptions que l'on a du mouvement des danseurs sont le bruit de leurs pas, le souffle
rauque de leurs respirations, et une bande son décrivant par le menu les mille et un
mouvements qu'ils sont en train d'effectuer la... sous nos yeux aveugles...
Puis, petit à petit la lumière va s'infiltrer sur le plateau, à moins que ce ne soient
nos yeux qui aient réussi à percer l'obscurité, à voir l'invisible... Les quatre corps
des danseurs sont là. Maintenant, nous les voyons. Nous les connaissions déjà, leur
histoire a déjà débuté dans le noir. Nous avions entendu leur danse, imaginé leurs
corps et leurs mouvements entre nos deux oreilles.
Et là... ce que nous voyons, est-ce vraiment la réalité ? Entre le mouvement lui-même
ou l'image que l'on en voit, et son récit par les danseurs, va se développer tout au
long de la pièce, un réseau d'ambiguïtés tour à tour violentes, troublantes ou
comiques, qui va nourrir ce huis clos à quatre personnages qui nous parlent de, ou nous
dansent ; on ne sait plus, leurs vies la nuit, leurs peurs du noir et des ombres. Elle dit
: "... J'aime pas dormir, parce que, quand je dors, alors je me mets à voir tout.
Vous savez, tous ces mouvements imperceptibles qu'on ne voit pas à la lumière du
jour."
Nyctalope (qui ne voit que la nuit) nous interroge et joue avec le mensonge de l'image et
du récit. Plus que jamais dans la démarche d'Appel d'Air, le mouvement et le verbe sont
confrontés l'un à l'autre, en l'occurence ici dans une sorte d'affrontement ludique
autour de notre rapport avec l'obscurité.
Plus de codes, plus d'intentions, plus de gestuelle pré-établie, juste l'urgence du
geste, le pouvoir de l'image évoquée. La danse d'Appel d'Air fait vivre l¹instant
sans les formes traditionnelles qui moralisent les gestes, les embellissent. Louvoyant
entre théâtralité et animalité, la danse trouve ici un chemin original.
Rue Gabriel Péry 02430 Gauchy