Une écriture à quatre voix - la vidéo, collectage d’expériences au grand air - la musique, mariage improbable entre violon et sac plastic en guise de percussion - la danse, suspendue, comme en apesanteur, et le texte si fulgurant de Laurence Vielle - pour nous raconter « l’air », l’élément vital qui fonde nos existences.
Entre le premier cri et le dernier soupir, la vie des êtres se déploie et s'égrainent les différents souffles qui trament notre vie. Quelque chose nous échappe entre ce premier souffle dont on ne souvient plus et celui qui nous attend et dont on ne saura jamais rien.
Voici le moment venu de nos retrouvailles avec le danseur vidéaste, Jean-Michel Agius. Sa résidence dans notre théâtre en 2008/2009 avait donné lieu à de multiples expériences et rencontres avec le public autour du spectacle Etat de Marche. Inspiré par les éléments, il avait commencé à collecter au Kremlin-Bicêtre, images et témoignages destinés à devenir les matériaux de sa future création. Depuis, parti en errance avec sa caméra, il a saisi le premier souffle de la naissance, l’air qui pousse les nuages sur les hauteurs des glaciers ou encore le jaillissement du souffle des baleines.
Entre le premier et le dernier souffle, la vie des êtres se déploie.
Nous sommes reliés par l'acte de respirer. Un jour, l’air ouvre l'espace de tes poumons. L’inspiration première puis le souffle : "acte premier !"
Ensuite, que t’arrive-t-il ? Respirer nous fait vivre et nous tue ;
C’est le paradoxe que nous avons tous en commun.
Notre spectacle s'ouvre sur le premier souffle de nouveaux-nés et se clôture sur un homme qui accepte de partager son dernier souffle, transmission, dépôt d'une personne en fin de vie avec laquelle nous avons un lien dans un service de soins palliatifs. Entre les deux, s'égrainent différents souffles qui trament notre vie, mis en corps, en images et en bouche par les créateurs et interprètes du projet.
La musique, en direct, est un mariage improbable entre un violon et un sac plastic en guise de percussion. Les textes sont "tuilés" en direct avec d’autres différés provenant d’interviews ou encore traités en couches superposées.
La forme que nous cherchons participe de la retranscription et du contact. Elle est suspendue en partie à la question de l'autre.
Le dispositif scénique est un « mobile » constitué de corps dansant et de bâches en plastique transparent.
Les images partent dans le vide sans support. Elles apparaissent toutes entières sur les pales en mouvement d’un grand ventilateur mais également fragmentées en se reflétant sur les bâches du mobile.
Le ventilateur le fait tourner par l’air qu’il pulse. Les images livrent ainsi l’expérience du grand air en soufflant à l’intérieur du théâtre.
Tout gravite autour de tout. Nous assistons à un déroulé spiralé plus qu'à un défilement linéaire. Nous tournoyons autour du fantasme de respirer : quelque chose nous échappe entre ce premier souffle dont on ne souvient plus et celui qui nous attend et dont on ne saura jamais rien.
"Il y a l'intérieur il y a l'extérieur l'intérieur se rapproche de l'extérieur la paroi s'amenuise à l'intérieur il y a ma fille son extérieur est dans mon intérieur qui protège son intérieur son extérieur son extérieur n'a pas encore rencontré l'intérieur de ma maison l'intérieur de ta maison son extérieur n'a pas encore rencontré l'extérieur de ma maison l'extérieur de ta maison l'extérieur de mon extérieur l'intérieur de l'univers ma petite fille n'a pas encore rencontré l'univers mis son visage à l'extérieur dans l'intérieur de l'univers dans l'intérieur de la terre dans une grotte ma petite fille est toute invisible dans mon intérieur dans l'antre de mon ventre ma petite fille n'a pas encore recouvert son extérieur par un vêtement ma petite fille est prête à rejoindre l'extérieur de mon intérieur avec son intérieur composé de nos deux intérieurs ma petite fille va traverser mon intérieur avec ses pieds ses mains va rejoindre l'espace extérieur que je respire que tu respires va respirer l'espace l'amener dans son intérieur va respirer l'extérieur vers l'intérieur si ténue la frontière si ténue ma petite fille va prendre l'air extérieur qui va remplir l'intérieur de ses poumons elle va crier une première fois sa voix de l'intérieur va remplir l'extérieur ma main l'extérieur de mon corps va caresser son extérieur ma voix rentre dans son intérieur intérieur à mon intérieur ma petite fille va pour la première fois recevoir l'air extérieur dans l'intérieur de son corps ça ne va plus s'arrêter l'air extérieur remplit nos intérieurs nous traverse nous aspirons sans cesse l'air sorti d'autres intérieurs l'air qui a traversé d'autres intérieurs nous mêlons par l'air nos intérieurs l'air nous caresse emballe nos extérieurs ma petite fille va rejoindre le grand mouvement de l'extérieur qui jusqu'à son dernier souffle entrera dans son intérieur ressortira de son intérieur un jour elle ne donnera plus à l'extérieur la traversée de l'air dans son intérieur un jour l'air extérieur ne portera plus trace de la traversée de son intérieur à l'intérieur de mon intérieur il y a son extérieur il y a son intérieur il y a dans l'intérieur de ma tête des pensées qui roulent à l'extérieur qui sortent parfois par ma bouche mes bras à l'extérieur de moi puis celles qui restent à l'intérieur entre l'intérieur l'extérieur ma petite fille intérieure n'a pas encore rejoint l'extérieur qui roule dans mes pensées intérieures il y a l'air qui entre dans tous nos intérieurs nous sommes reliés par l'air qui pénètre tous nos intérieurs il y a dans l'air que je respire ton intérieur ton intérieur ton intérieur je le mets à l'intérieur de moi je le ressors à l'extérieur je ne suis pas close je respire de l'intérieur à l'extérieur je circule je suis un territoire sans frontières une frontière poreuse pleine d'intérieurs d'autruis de pensées d'autruis de souffles d'autruis viens viens ma petite fille viens prendre part à l'intérieur de l'extérieur à l'extérieur de l'intérieur viens ma fille viens."
2, place Victor Hugo 94270 Le Kremlin-Bicêtre
Voiture : partir de la porte d'Italie, prendre la RN7 en direction de Villejuif. A la hauteur de la station de métro tourner à droite, avenue Eugène Thomas puis au 1er feu à gauche rue Jean Monnet.