La performance (le genre artistique) s'est émoussée en oubliant le politique, derrière ses jeux savants sur les signes. Voilà bien le reproche qu'on ne pourra pas adresser à Me too, Galatée, une performance qui vit Pol Pi saisi par une double urgence. L'une d'elle fut de répondre à la commande artistique de traiter du mythe de Pygmalion et Galatée (in Les Métamorphoses d'Ovide). Rafraîchissons les mémoires : sûr de l'essence vicieuse du féminin, Pygmalion préfère s'égarer dans le narcissisme idolâtre d'un artefact de femme pétri de sa main, à sa main.
Pol Pi reçoit de plein fouet la violence symbolique que recèle la fable. Balance ton Pyg. Vivant lui-même en transition de genre, cet artiste expose un corps d'abord neutralisé, sur lequel composer une femme toute de prothèses. De quoi activer un corps produit d'une construction à partir de ses représentations. Par où s'autoriser en invention de soi, sans se priver d'une joyeuse gourmandise aux confins du grotesque. Les tableaux que compose Pol Pi empruntent aux images classiques de Galatée, comme à des portraits de manifestantes.
En soi forte, l'action scénique allait redoubler d'impact, pour s'être produite en première le 28 octobre 2018, date des élections qui placèrent à la tête du Brésil le candidat des militaires et de l'oligarchie, ouvertement haineux à l'endroit des pauvres, des femmes, des indigènes, des LGBT, des artistes. Pol Pi est brésilien. Il poursuit sa dénonciation, et sur scène, le voici qui slame les paroles de Triste, louca ou má (Triste, folle ou mauvaise). Cette chanson clame que « non, un homme ne me définit pas, ma maison ne me définit pas, ma chair ne me définit pas, je suis mon propre chez moi ».
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