Prométhée, poème électrique est un texte rythmique écrit pour une bouche et beaucoup de guitares, modulant la voix du Titan revenu nous demander ce que nous avons fait de son feu... Et parce que jamais l'homme n'a autant confondu la connaissance et le pouvoir, la lumière et le feu, la voix de Prométhée interroge nos faillites contemporaines, s'écorchant aux sons des guitares, dans les pulsations d'une poésie électrique et mal élevée, formant un dit combustible et mélodique...
Prométhée enchaîné est l’oeuvre d’un des plus anciens tragédiens grecs, Eschyle. Cette pièce, vieille de 2 500 ans, met en scène le supplice infligé au titan éponyme, accusé d’avoir volé le feu aux dieux pour l’offrir aux « éphémères ».
Coupable d’avoir instruit les hommes et de les avoir élevés au rang des divinités, il est enchaîné au Caucase pour l’éternité. L’ordre vient de Zeus, roi des dieux et garant implacable des lois du monde.
Ce qui m’a étonné, c’est combien Eschyle va loin dans sa vision du don chez Prométhée. Contre la volonté des dieux, le titan qu’est Prométhée donne aux hommes le feu, en réalité les instruments de la connaissance et du vivre ensemble. Puis, il leur laisse une totale liberté d’en user, même si c’est pour dévoyer ce don. C’est aux hommes de choisir leur destinée. Prométhée n’est pas nommé le « prévoyant » pour rien : il sait qu’il prend un risque, mais l’accepte. Il donne une chance aux hommes, et les émancipe du joug divin ; à eux de grandir dans un monde nouveau, une société en mutation, où ils seront confrontés dés lors à un dilemne destructeur : garder le secret du feu pour accroitre leur pouvoir, ou redistribuer équitablement les fruits de la connaissance…
Il y a trois ans, j’ai adapté le mythe de Prométhée afin de répondre à une commande du CDN de Béthune et de la Scène Nationale de Dunkerque. La pièce fut jouée, et depuis demeurait en moi le désir de poursuivre le voyage avec notre donateur pyromane, qui me semble travailler des valeurs essentielles à nos existences imprégnées de technologies égoïstes… C’est ainsi que j’ai réécrit Prométhée poème électrique, entre rock et Caucase, corps et rythme, ferveur et lumière…
En apportant le feu aux hommes, Prométhée a fait bien plus que leur permettre de cuire et consommer desviandes sacrificielles. Il leur a apporté la lumière — ne faudrait-il pas dire les Lumières ? —, celle qui aide l’homme à se sentir responsable et à tracer lui-même son avenir.
Mal élevé, j’ai souhaité cannibaliser le titan d’Eschyle afin de le replacer dans notre ici et maintenant, imaginer pour lui une continuité du mythe au sein d’un monde matérialiste et peu sensible aux idéaux qui ont conduit ce généreux donateur à se sacrifier pour l’humanité.
François Chaffin
« On ne sert rien de l’homme si on ne le sert pas tout entier. » Camus est sûr que si Prométhée revenait, il serait cloué au pilori de la même manière qu’il y a longtemps. Les dieux d’hier sont devenus les hommes d’aujourd’hui. L’héritage des pouvoirs se perpétue, indifférent à la révolte prométhéenne, oublieux de la leçon de justice. Retour à la case départ.
S’appuyant sur le mythe fondateur, le texte interroge notre époque, à travers les thèmes du progrès, de la mécanisation du lien social et de la répartition des richesses, alors que jamais l’homme n’a autant confondu le feu et la lumière, la connaissance et le pouvoir.
Prométhée poème électrique est un texte-oratorio écrit pour une voix et beaucoup de guitares, travaillant la figure d’un Prométhée contemporain revenu nous demander ce que nous avons fait de son feu…
Dans les pulsations d’une poésie électrique et mal élevée, la voix se tresse dans les cordes d’une guitare aux mille sonorités, formant en elle un dit poétique et combustible, une pulsation verbale et mélodique…
77, rue de Charonne 75011 Paris