Encore une guerrière de la beauté ! Après Els Deceukelier dans Elle était et elle est, même, et Erna Omarsdottir, dans My Movements are alone like street dogs, Jan Fabre imagine spécialement pour Lisbeth Gruwez un scénario à double facette où l’interprète joue de son corps pour interroger les catégories de genres, masculin-féminin jusqu’au trouble et à l’hallucination.
Le plateau est nu, sous un dôme de bouteilles qui laissent s’écouler de l’huile d’olive qui va transformer la scène en une patinoire luisante et odorante, propice aux glissements de sens (et des sens) auxquels se livre l’admirable Lisbeth : glissement de l’homme se transformant en femme, de l’être humain se changeant en animal, de la ligne droite se cintrant en cercle, du corps rampant se redressant, du corps arbre se ramifiant, du corps cygne s’auto-fécondant.
S’inspirant de l’œuvre de Yves Klein, en particulier sa photo Leap into the Void, Jan Fabre écrit un sensuel hommage à la femme, à la terre méditerranéenne, aux déesses fondatrices, symbolisées ici par l’olivier, arbre aux volutes torturées présent depuis l’Antiquité dans l’imaginaire des civilisations, aux connotations médicales, nourricières, chrétiennes, philosophiques. Tout en chantonnant (le célèbre « Volare ohohoho »), Lisbeth Gruwez, passe d’un axe à l’autre, d’un sexe à l’autre, jusqu’à offrir l’image d’un hermaphrodite ou d’un ange asexué. Entre la convulsion et le spasme, le corps de Lisbeth Gruwez animalisé, végétalisé, minéralisé, exulte dans une performance insensée, à la limite de l’obscène, qui tient de la cérémonie rituelle ou du sacrifice primitif. Trouble et inquiétant. Séduisant et repoussant. Beau et dérangeant.
Pour Jan Fabre, ce solo est une préparation au saut suprême qui nous reconduira au matriarcat.
"Les provocations de Jan Fabre ont cette qualité première de faire advenir, depuis la nuit des corps, le bestiaire d’une humanité refoulée." Jean-Marc Adolphe
1, square du théâtre 14200 Hérouville Saint-Clair