Nul doute que la silhouette de Raphaëlle Delaunay vous rappelle quelque chose : celle qui entra à dix ans à l’École de danse de l’Opéra de Paris avant d’y briller dans le corps de ballet, aurait pu caresser une carrière d’étoile filante, diamant brut aux facettes plus contemporaines que classiques. Au Palais Garnier, Raphaëlle croise Pina Bausch venue donner son Sacre du printemps et c’est l’étincelle, révélation d’un autre monde de la danse. Elle va suivre la chorégraphe à Wuppertal, intégrer le Tanztheater, compagnie mythique s’il en est, oscillant entre créations, O Dido, Wiesenland et reprises du répertoire « bauschien ».
En 2000, la belle enfant change encore de cap via le Nederlands Dans Theater de Jirí Kylián : elle se frotte à d’autres vertiges et profite des ateliers annuels de la compagnie pour signer ses premiers pas. Avant d’embarquer dans l’aventure Wolf, une création autour de Mozart du belge Alain Platel, Raphaëlle Delaunay a présenté Corpo Pensante, Dreamparture et ces Jeux d’intention 2 enfin matures dont la reprise à Chaillot s’imposait.
La belle ose des pointes « classiques » sur un tapis glissant ou des variations sur les danses de cour à la sauce haïtienne ou capverdienne : on s’y régale d’un travail sur le duo amoureux, on se fait plus grave avec une danse entravée et on n’hésite pas à esquisser un pas piqué à Ginger et Fred. Ces jeux interdits jouent sur une vraie « physicalité » d’où il se dégage un charme certain. Raphaëlle Delaunay n’a pas fini de nous surprendre avec ces « spectacles à installer partout ».
Philippe Noisette
Revisiter nos intentions avec un nouveau compagnon de jeu, l’inviter à rentrer dans la ronde. Recréer une tension solidaire de nos individualités, que celles-ci s’affrontent sans jamais se désavouer. Retrouver nos actions illusoires, en extraire à nouveau le charme mais aussi l’incisive efficacité … Maintenir le cap du paradoxe.
Dissimuler nos volontés, continuer de faire semblant. Tromper l’adversaire/partenaire, le séduire pour mieux l’endormir. Ne plus savoir sur quel pied danser, avoir le c.. entre deux chaises. Se tenir tête, jouer des coudes, se plier en quatre, se mettre plus bas que terre, perdre pied … Etre sur le fil du rasoir, jouer avec le feu, n’en faire qu’à sa tête.
Jeux d’intention 2 – L’Echappée Couly * relève autant du jeu que de l’acte prémédité, autant de la danse que de la lutte. Par le biais de la capoeira et du folklore caribéen, nous abordons le thème de l’esclavage, de la servitude. On résiste en dansant, par des cabrioles, des pirouettes …mais on résiste.
Raphaëlle Delaunay – déc. 05
* Une première version de Jeux d’intention fut créée aux Antipodes’04 à Brest avec Grégory Kamoun Sonigo et Serge-Aimé Coulibaly, rencontrés sur Wolf, le spectacle d’Alain Platel.
1, Place du Trocadéro 75016 Paris