Timbres féminins, maternels ou mutins, les quatre voix de l’ensemble Psophos, « événement sonore » en grec, entonnent les ritournelles d’une enfance tenace. Voyage en intensité, Ritournelles se joue hors cadre, hors des normes établies de la représentation théâtrale, de l’opéra ou du concert de musique de chambre. Proposition aux contours libres, invitation à une rêverie musicale, le spectacle rapproche l’ombre du promeneur Robert Schumann et les influences des lectures de Jarry, Baudelaire, Beckett, Müller, Tarkovski ou Deleuze.
La ballade se suit en trois mouvements ; le premier appartient au passé familier des rondes de l’enfance, le deuxième relève de l’accelerando, pulsations vives, et le troisième temps semble suspendu dans une abstraction musicale. Le quatuor féminin, traversé de références poétiques, philosophiques et cinématographiques, navigue entre le pouls agité des lumières de stroboscope et des musiques électroniques.
Chacune des interprètes s’évade de son coin de scène - quatre origines pour un quatuor à cordes - et rejoint le milieu, guidée dans sa démarche singulière par des signaux lumineux. La lumière, dessinée par Alexander Wolf, invite à une hypnose consentie, éveillée. La partition, composée par Nicolas Bacri, trace les lignes des Ritournelles prenant comme motif ou au contrepoint jusqu’au silence, les textes, bris poétiques et éclats de dialogues de Dietrich Sagert.
Originaire de Schwerin, ville allemande proche de la mer Baltique en ex-RDA, l’étudiant en philosophie et en théologie s’oriente un temps vers la vie monastique. Il se ravise, se dévoue aux activités artistiques et devient metteur en scène. Installé en France, il présentait, à Chaillot, Hoffmanniana d’après un scénario non porté à l’écran d’Andreï Tarkovski. Dietrich Sagert opte avec Ritournelles pour une évasion acoustique et visuelle, belle échappée dans le temps et les genres.
Pierre Notte
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