Saburo Teshigawara occupe aujourd’hui la place enviable de chorégraphe majeur dans son Japon natal. Il vit et travaille à Tokyo, même si les nombreuses invitations à travers le monde l’obligent à quitter parfois le cocon de son studio dans la capitale. À Chaillot, il est un peu chez lui, y présentant depuis des années son travail à la beauté radicale.
Il revient cette saison avec Flexible Silence. Autour de deux figures de la musique contemporaine, Toru Takemitsu et Olivier Messiaen, Saburo Teshigawara a relevé le défi d’une pièce de danse et de musique réunissant quatre danseurs, six solistes de l’Ensemble intercontemporain ainsi que le sextuor d’ondes Martenot du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. « Pour moi, ce sont deux compositeurs qui créent une matière sonore de la plus grande pureté et, d’une certaine façon, dans une dimension proche de la nature elle-même. Ainsi la musique de Takemitsu est un monde de sons unique qui ressemble à la rencontre de l’air et de la nature. Il y a quelque chose de physique chez lui. Cette clarté instable dans son oeuvre est un guide pour ma danse. »
Quant à Olivier Messiaen, il était déjà présent dans la pièce Mirror and Music. « Messiaen offre à l’écoute un nouveau sens du temps. La musique est une sculpture qui naît sur place, ne cesse de se déplacer et de disparaître », résume le chorégraphe. Flexible Silence se veut dès lors une réflexion sur le temps et la beauté. Une recherche quasi spirituelle. « Il n’y pas d’immobilité absolue », affirme Saburo Teshigawara.
Philippe Noisette
Musique interprétée par l’Ensemble intercontemporain et le sextuor d’ondes Martenot du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.
On l’oublie souvent mais lorsque Pierre Boulez imagine le nom Ensemble intercontemporain. Inter est là pour suggérer sa vocation interdisciplinaire. C’est donc sous les meilleurs auspices que s’engage le dialogue avec les autres arts en général, et avec la danse en particulier. Dès sa naissance, les chorégraphes s’intéressent en effet au travail réalisé par le jeune Ensemble la personnalité même de son fondateur ne peut que les séduire, lui qui a collaboré, entre autres, avec Maurice Béjart sur des ballets comme Le marteau sans maître (1973), Pli selon Pli (1975) ou Dialogue de l’ombre double (1998). Au reste, la collaboration entre les deux institutions survit à leurs créateurs. le Béjart Ballet Lausanne et l’Ensemble intercontemporain se sont à nouveau produits ensemble au Palais Garnier, en janvier 2010.
Depuis 1976, les spectacles chorégraphiques auxquels participent les solistes de l’Ensemble intercontemporain se suivent et ne se ressemblent pas, parcourant tout le spectre de la danse contemporaine. Fidèles aux principes fondateurs de l’Ensemble, ces projets s’accompagnent bien souvent d’une commande à un compositeur, conçue en parallèle du travail chorégraphique, c’est par exemple Patrick Marcland pour Étude, réglé par Nadine Hernu en 1996, ou Roger Reynolds pour On the Balance of Things de Lucinda Childs en 1998. D’autres fois, les chorégraphes puisent directement dans le riche répertoire de l’Ensemble. Pour Rift (1998), François Raffinot s’empare d’œuvres de Philippe Hurel et de György Ligeti, quand le finlandais Tero Saarinen s’inspire de Vox Balænæ de George Crumb pour sa chorégraphie éponyme en 2011, et Wayne McGregor rend hommage à Pierre Boulez en 2015, en faisant danser sur Anthèmes II.
D’autres projets encore, faisant intervenir l’informatique musicale de l’Ircam et ses capteurs de gestes, remettent en question le paradigme usuel danse/musique. Citons parmi d’autres Glossopoeia (2009) d’Alberto Posadas et Richard Siegal, Double Points : Outis (2011) d’Hanspeter Kyburz, Emio Greco et Pieter C. Scholten, ou, dernièrement, Simplexity (2016) dans lequel Thierry De Mey procède à une véritable fusion des écritures musicales et chorégraphiques. La danse, enfin, représente pour l’Ensemble un formidable vecteur pédagogique, en témoigne le Bal Participatif qui se tiendra l’été prochain à Chaillot sous la férule de José Montalvo.
En 2015, l’Ensemble intercontemporain était également au cœur de la création de Solaris, opéra hybride né de l’imagination des japonais Dai Fujikura, pour la partition, et Saburo Teshigawara, qui en signe le livret, la mise en scène et la chorégraphie. C’est ce dernier que les solistes retrouvent en ce début d’année pour un nouveau spectacle sur des musiques d’Olivier Messiaen et Toru Takemitsu à Chaillot.
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