Deux hommes ont élu domicile gare Saint Lazare devant un photomaton hors service ; l'un espère retrouver sa femme qu'il a perdu, l'autre de se coucher dans un lit. Suivis par une assistante sociale, ils boivent beaucoup, cherchent un improbable travail et font des rêves l'un de l'autre. Un homme arrive pour « réparer le photomaton », qui est-il ? Un artiste en résidence ? Dieu qui s’ennuie ?... Dans une atmosphère de fin du monde, les femmes disparaissent...
Je pars d’une situation quotidienne, avec des personnages malheureusement ordinaires qui se retrouvent à la rue, victimes de la crise et rêvent de s’en sortir. Et tout autour d’eux la vie se transforme en une chose extraordinaire où l’on ne voit plus bien la limite entre rêve et réalité. Deux personnages au bord du monde sont les témoins privilégiés de sa chute.
Dieu s’ennuie, la société se prend les pieds dans sa course folle qui ne la conduit nulle part. Je veux montrer le moment où tout se décale. Une société en crise, des hommes sans travail, sans espoir ayant perdu tout contact avec la société active, un Dieu qui cherche à se distraire.
Je veux faire de ces situations où se mélangent, réalisme, imaginaire et absurde, le théâtre d’une comédie. J’espère aussi laisser libre à chacun de se raconter sa propre histoire ne pas être trop démonstratif de ne pas être trop symboliquement explicite. J’ai essayé de garder un rythme plutôt rapide où les répliques courtes s’enchaînent.
Il me semble que rien ne doit être appuyé, comme si les personnages étaient dépassés par leur propre langage. Les dialogues ressemblent à des improvisations, glissant d’une réplique à l’autre, dans un joyeux tac au tac. Rêver, c’est bien la seule chose qui nous appartienne. Ensemble rêvons nos rêves pour sortir de nos réalités. Rions de la réalité, rions sans attendre, sans retenue, jusqu’au bout...
Autour de la gare Saint Lazare
C’est un endroit qui m’est très cher qui me relie à ma Normandie natale. Un endroit où l’imaginaire vagabonde au milieu de toutes sortes de gens pressés, affairés, préoccupés ou au contraire démobilisés, perdus.
Pour moi la gare c’est un point de départ, un point d’arrivée, un point de basculement de changement, d’espoir. Le début et la fin d’un voyage, un endroit très important. Le lieu du basculement, des possibles. Cette histoire raconte un bouleversement personnel, sociétal.
J’ai eu envie aussi de parler de ceux qui ne partaient pas, spectateurs du monde en mouvement avec le secret espoir un jour eux aussi de pouvoir s’en aller. Je me suis souvent demandé si tant de SDF fréquentaient les gares c’est pour pouvoir être prêt quand le moment se présentera à eux. Dans cette pièce, les personnages assistent à un dérèglement. Le monde se dérègle sous leurs yeux. Ils ont tout perdu, l’un, son travail et sa femme et l’autre la raison.
Ils assistent au chamboulement, les horaires de train se dérèglent, les destinations se modifient, les trains sont attaqués…. Tout autour d’eux la vie se transforme en une chose extraordinaire où l’on ne voit plus bien la limite entre rêve et réalité.
Pourquoi Végas ?
Végas est une destination complètement folle. Je ne suis jamais allé à Végas et n’irai probablement jamais mais pour moi Végas est un monde à la fois hors du temps et la concentration de toute la folie humaine, c’est l’incarnation d’une sorte de veau d’or de notre société.
Saint-Lazare-Végas est presque un oxymore pour moi. Le personnage principal Caul finira par prendre le train mais n’ira jamais à Végas, il s’arrêtera à Pourville sur mer au bord de la manche au pied des falaises avec le début d’une histoire d’amour et un monde qui recommence.
Le photomaton
Dans cette pièce, il y a un photomaton qui est quasiment un personnage dans une gare. Il forme avec le personnage nommé Al, le Dieu et la machine. Ils permettent le passage du réel à l'imaginaire.
Emanuel Dupuis
Ce qui m'a intéressé dans ce texte, c'est l'humanité qui s'en dégage. Pas de misérabilisme ici, les personnages sont regardés à hauteur d'homme. Leur condition d'exclu permet de parler de l'essentiel de la condition humaine, des besoins vitaux, primaires et des aspirations nécessaires à la survie.
Pour rentrer dans la fable, les deux personnages principaux seront traités comme un duo de clowns tranquilles. Les autres personnages seront joués par deux femmes, illusionnistes cheap, qui se grimeront, feront les annonces de la gare et dérouleront le rêve.
C'est un rêve où Dieu a volé les femmes aux hommes. Au jour de Boko Haram, cela résonne étrangement. Il faut juste savoir et décider comment le faire jouer, trouver une solution par le personnage de Dieu.
Au jour des interrogations sur le travail, sa valeur, sa place dans la société, les rapports de pouvoir et d'oppression qu'il engendre, qu'est ce qu'un homme dont l'ambition est d'être pigeon ou observateur, un homme qui doit toujours s'occuper de son dossier, de ses papiers et dont le rêve est un bon lit ? C'est un drôle de rêve auquel nous convie Saint Lazare Végas.
Christophe Givois
6, rue Pierre-au-Lard 75004 Paris