« Des gestes, mais en plus grand nombre encore des esquisses de gestes. Plein le corps. Griffes sournoises, comme si le corps s’occupait traîtreusement de se trahir lui-même. Du dedans. Aucun commencement. Aucune fin. Cela ne vient ni de loin ni de près. C’est l’ombre de l’ombre, qui est l’envers effilé de ce qui fait ombre. Et cela découpe un puits. Le sexe y remonte. Les yeux y tombent. Un puits en moi, fait de moi, contre moi. » Bernard Noël, Extraits du corps
Après exposition corps, superposition corps et your body is the shoreline, trois pièces qui exposaient un corps à l’état brut, Saskia Hölbling tente cette fois-ci d’inscrire son corps dans un contexte. Ce pourrait être un pays, l’Autriche, ce pourrait être une ville ou encore un appartement. Ce pourrait être n’importe où - mais la pression de cet environnement se fait sentir, comprimant le corps, le sexe, les sentiments.
Dans Jours Blancs, l’espace sans aspérités est un espace piégé, où le bien-être cache une répulsion, et où les gestes quotidiens sont minés par le désir, la peur, la frustration. Le corps féminin n’est là ni comme personnage, ni comme image, il n’incarne personne - sinon une question : point d’interrogation et trait d’union entre l’envie, la douleur, la colère.
Elle se déplace dans un environnement quotidien qui devient de plus en plus étranger. Est-ce son appartement ou celui d’un autre, son corps ou celui d’une autre ? C’est un lieu sans mémoire, où chaque geste entre en friction avec le suivant, où chaque objet usuel peut cristalliser une peur, une obsession. Son corps-aveugle, impénétrable, entre en collision avec le regard du spectateur. Collision des trajets, des genres, d’où peut surgir l’angoisse, le rire, la violence ou la douceur.
L’origine du malaise reste impossible à nommer : le spectateur est confronté à une suite de conséquences, d’enchaînements - une répétition qui dégénère et se propage de l’espace aux objets, et des objets au corps. A travers cette femme qui voudrait se constituer un abri, Saskia Hölbling expose le processus qui mène un corps à n’être plus qu’une dépouille étrangère à elle-même - nous donnant en filigrane une clé pour comprendre notre rapport à l’envie, à la douleur, au plaisir.
Gilles Amalvi
Musique, son : Heinz Ditsch
63, rue Victor Hugo 93100 Montreuil